La peste dite « de Justinien » est la première à être réellement documentée en ce qui concerne la Bretagne insulaire (îles britanniques actuelles). Elle a sévi du VIe au VIIIe siècle et a rebattu les cartes géopolitiques dans toute l’Europe et en Méditerranée.
Interview de Benjamin Franckaert sur la base de sa thèse de médecine : Santé et pratiques médicales des Bretons insulaires et continentaux du Haut Moyen Age
Il y eut bien sûr des épidémies avant le VIe siècle mais les documents ou traces archéologiques manquent… on ignore d’ailleurs de quelles maladies exactes il pouvait s’agir.
C’est donc sous le règne de l’empereur romain d’Orient Justinien que se déclare une épidémie de peste qui, elle, est attestée par plusieurs écrits. La maladie est d’abord signalée en Méditerranée orientale en 541, dans un comptoir égyptien, en territoire romain byzantin. Elle gagne Byzance puis le monde méditerranéen et le monde occidental.
Grégoire de Tours décrit ensuite plusieurs récurrences de peste dans les décennies qui suivent.
Une épidémie cyclique sur plusieurs siècles
Pour les îles britanniques, les rapport plus précis concernent surtout le VIIe siècle. Pas de source écrite pour l’Armorique mais on peut supposer que les Bretons du continent n’auront pas échappé à l’épidémie. Un témoignage au VIIIe siècle sur la vie de Saint Gwenolé signale que le père du moine breton aurait fui la peste de la Bretagne insulaire vers l’Armorique.
Les épidémies de peste étaient donc régulières et cycliques ; la maladie se répandait assez lentement au rythme des déplacements et contacts humains, bien plus restreints à l’époque qu’aujourd’hui. Et la peste de Justinien est bel et bien due à la bactérie Yersinia pestis, de type « orientalis » qui génère la peste bubonique : son transmetteur est une puce du rat noir qui finit par piquer les humains ; la piqûre s’infecte sous l’effet de la bactérie, un bubon se forme à l’aisselle ou au cou … on n’en meurt pas systématiquement même si la majorité des personnes infectées succombent.
C’est la biologie moléculaire qui a permis de retrouver des traces de la maladie (par des prélèvements sur les squelettes, en particulier les dents), par exemple en Bavière, mais aussi en terrain anglo-saxon et gaulois (on pourrait mener ces recherches sur les squelettes du Haut Moyen Âge armoricain).
Les liens entre climat, peste et géopolitique
On ignore combien de morts a fait la peste de Justinien. Mais on sait qu’elle s’est accompagnée de bouleversements politiques : en affaiblissant l’armée romaine orientale, elle a sans doute favorisé la progression de l’expansion musulmane. Du côté de la Bretagne insulaire, de nombreux royaumes sont tombés et les Saxons ont alors gagné du terrain. A cette époque, le réseau commercial venu de Méditerranée en direction de la Bretagne insulaire périclite totalement : on peut supposer qu’il accentue la perte de puissance des souverains bretons en les privant de denrées de luxe. L’épidémie n’épargne pas les chefs bretons eux-mêmes.
Une accalmie suit au VIIIe siècle ; sans doute pour des raisons climatiques. Il faut d’ailleurs souligner la corrélation de la peste de Justinien avec le refroidissement dans l’hémisphère nord, consécutif à l’éruption, en 536, d’un volcan tropical : les nuages de poussières générées sont susceptibles d’avoir voilé le soleil et d’avoir eu un impact sur le climat, les récoltes et donc la santé humaine, mais aussi sur la migration – plus lointaine -des rongeurs porteurs du bacille de la peste.
Retrouvez un article détaillé à propos de la peste de Justinien sur la page Facebook de la Société archéologique du Finistère.