Personnages incontournables (ou presque) de la SF, les robots ont suivi les avancées des technologies, mais aussi de l’idée que l’on peut s’en faire. Ennemi implacable ou fidèle compagnon, le robot nous fait frissonner ou sourire. Petite revue d’ensemble d’un bestiaire pour le moins étoffé.
Vous reprendrez bien un peu de Science-Fiction ? Aujourd’hui je vais vous parler d’un élément indispensable à toute œuvre de SF qui se respecte. Je vais vous parler des robots. Mais si je parle des robots, je vais inévitablement parler de l’intelligence artificielle qui en est un corolaire quasi-obligatoire. On ne peut imaginer un robot qui interagisse avec son environnement de manière consciente sans une IA. On parlerait alors d’un simple automate. Donc dans cette émission, l’intelligence artificielle sera traitée mais pas pour elle-même, mais plus pour son incarnation mécanique. Elle aura le droit à son émission dédiée, en temps voulu.
Les bases
Le terme robot est un néologisme qui apparait en 1920 dans l’œuvre théâtrale de Karel capek intitulée : Rossum’s universal robots. C’est son frère qui l’a inventé à partir du mot tcheque robota qui signifie travail, dans le sens de corvée ou besogne. Pour info la pièce raconte l’histoire de robots humanoïdes qui a force d’être améliorés prennent la place de l’homme sur terre. La première apparition d’un être synthétique au cinéma remonte à 1900 avec coppelia de Georges Melies mais là il y est fait allusion à un automate. Logique le terme robot apparait 20 ans plus tard. C’est dans le Métropolis de Fritz Lang que l’on voit apparaitre un véritable robot , humanoïde qui plus est ! Dés le début le robot sera souvent d’apparence humanoïde avec des variations suivants les époques ou les modes. Dans le film planète interdite de Fred Wilcox sorti en 1957, le robot mis en scène, il s’appelle Robby, rappelle le bibendum Michelin avec une tête vitrée dans laquelle il y a profusions d’antennes pivotantes et lumières clignotantes. Mais faire apparaitre un robot n’est pas chose aisé dans les années 50 , on a alors recours à des solutions qui relèvent plus du bricolage comme dans le film : le jour où la Terre s’arrêta de robert wise en 1951 , le robot protecteur de l’émissaire extraterrestre est réduit à un simple costume qui en fait un être pataud aux mouvements limités. Une solution, on fait comme si. On fait jouer des acteurs en disant bien que ce sont des machines, comme dans Westworld de Michael Crichton en 1974. Procédé qui sera repris par James Cameron pour le premier Terminator , dans la plus grande partie du film en tout cas. Dans ces 2 cas , c’est le jeu ,ou le non-jeu diront les mauvaises langues , qui caractérise le personnage. Tant qu’on y est on va parler du t-800 ,incarné par Arnold Schwarzenegger. Et par la même on va clarifier les termes employés au sujet des robots. Il y a le robot classique comme R2D2 , il a une forme cylindrique, soutenu par 2 « jambes » . Petite digression on a souvent tendance a anthropomorphiser les machines. C’est-à-dire leur attribuer des caractéristiques physiques ou intellectuelles humaines. Par souci de simplicité , je vais faire de même histoire de pas vous perdre en décrivant un cylindre au sommet hémisphérique et à base plane soutenu par deux appendices sur pivots, on est d’accord ? On est d’accord !
Une description pas si simple….
Donc il ya R2D2 , à la forme fonctionnelle , il y a ensuite les androïdes comme C3PO :robots à la forme humaine ou en tout cas qui en reprennent l’architecture classique, 2 bras,2 jambes une tête ,tout ça fixé à un tronc central. Mais pour le moment on sait que l’on a clairement affaire à des robots. Vient alors le T-800, c’est un robot sur le quel est greffé une peau artificielle pour lui donner une apparence humaine. Ce qui lui donne l’avantage de pouvoir évoluer dans la foule sans trop attirer l’attention .. encore que une marmule dans son genre avec l’attitude dont il fait preuve lui fait perdre rapidement des points de furtivité. Il y a ensuite le cyborg , qui n’entre pas totalement dans la catégorie des robots. Il s’agit d’un être vivant, terrien ou extra-terrestre ne soyons pas sectaire, qui est amélioré par l’implant d’organes artificiels. Cela peut aller d’un œil , comme pour Spike Spiegel dans Cowboy bebop à quasiment tout le corps. Le générique du film d’animation Ghost in the shell le montre très bien , le seul élément biologique de l’héroïne est son cerveau, absolument tout le reste est mécanique. Le cyborg est un exemple du transhumanisme. Discipline qui promeut l’augmentation des capacités physiques et intellectuelles de l’humain par, entre autres les implants. Visant par cela une immortalité toute relative. C’est-à-dire que toute forme de vie a une durée statistique, que l’on peut allonger plus ou moins. On aura beau faire comme dans ghost in the shell , le cerveau à un moment ou un autre va dire stop ,aucun organisme ne vit éternellement. Et il y a un entre deux , pas humains ,mais pas vraiment des robots , on pourrait les qualifier d’humains de synthèse. Et dans cette catégorie, il y a deux approches. Pour la première le sujet ressemble beaucoup à un humain extérieurement et même parfois intérieurement. C’est le cas de Ash, Bishop et de leur congénère David dans la saga Alien. Une astuce pour les reconnaitre, séparez la tète du reste du corps, si la tête fonctionne toujours : c’est un androïde. Si plus rien en se passe, vous êtes un psychopathe et vous irez en prison…. Dans Blade runner, on retrouve a peu près la même démarche, à ceci prés qu’ils sont plus puissant que des êtres humains « traditionnels » et conçu avec une durée de vie bien précise. Donc ça c’est la méthode humaine dehors machine dedans. Dans la série d’animation néon genesis evangelion, c’est la deuxième approche, on pense d’abord avoir affaire à un robot avec son armure, mais on se rend vite compte qu’il y a du biologique sous la carapace… Et ce qu’on y trouve n’est pas beau à voir. Mais ça aussi je vous le raconterait un jour.
De l’utilité du robot dans la science-fiction.
Maintenant que l’on sait à quoi on à affaire techniquement, sur le plan scénaristique on en fait quoi ? Plein de choses, prenons, encore une fois, l’exemple de R2D2. Au début de la saga Star Wars , il est un simple mécanicien qui répare le vaisseau des héros. Il va logiquement les suivre dans leurs aventures, son caractère bien marqué et son ingéniosité leur sauvant la mise à plusieurs reprises. Le fait qu’il soit un robot change quoi ? , d’abord pour réparer le vaisseau, il le fait dans le vide de l’espace en quelques secondes. Ses capacités techniques sont astronomiques, il peut communiquer avec de nombreux ordinateurs, là ou un humain aurait besoin d’une interface ,ce qui prendrait du temps et romprait la dynamique de l’action. On peut le réparer plus facilement et rapidement qu’on ne soigne un être vivant. Ca multiplie également les possibilités d’interaction avec les autres personnages, on a des « humains », des extraterrestres et d’autres robots. Certes cela créé une sorte de système de caste, mais sans les robots, fidèles serviteurs, point de salut. Le robot peut aussi être La caution comique, comme nono dans Ulysse 31 , c’est le personnage qui désamorce des situations lourdes voire dramatiques en agissant avec légèreté mais pas par bêtise. Mais un robot est-il méchant ou gentil ? Là par contre le manichéisme est très présent. Les méchants robots sont souvent des pantins sans trop de jugeote ni de discernement et le gentil est un esprit dégourdi hors du troupeau ,un poil rebelle. Un exemple : Robocop de Paul Verhoeven sorti en 1987 on l’on découvre un cyborg basé sur le corps d’alex Murphy ,un policier laissé pour mort après une fusillade . Son alter égo l’ED 209 un robot aux allures de dinosaure, dénué de compassion ,c’est le moins qu’on puisse dire et d’une version discutable de l’expression force doit rester à la loi . On voit Murphy prendre le pas sur sa part cybernétique, redevenir pleinement humain et sortir vainqueur de l’affrontement avec l’ED 209. Une sorte de David contre Goliath à la sauce dystopique. Mais bon il faut quand même citer quelques robots à la fois féroce mais intelligents voire malins . Le meilleur exemple Terminator 2, là c’est quasiment un inversement des rôles. Le T-800 du premier épisode revient et il semble pour le moins pataud, bas de plafond et limité par rapport au t-1000 plus rapide, plus fluide, au propre comme au figuré et pour le moins opiniâtre. Ce doit être un sentiment glaçant que de se faire poursuivre par un ennemi quasi-indestructible, doté de capacité agressives hors normes et qui semble implacable. Tout ce que vous pourrez mettre entre lui et vous sera systématiquement balayé, découpé, traversé voire empalé…. Si James Cameron a frappé un grand coup avec le T-800 et consorts, il est un réalisateur qui en a fait sa signature. Ses premiers courts métrages les mettaient même en avant, vous savez de qui je parle, j’ai consacré une émission à son sujet. Voilà, vous l’avez : Neil Blomkamp.
La robotique chevillée au corps
Quasiment toutes ses réalisations nous montrent des robots, son premier film c’est une pub pour une voiture qui se transforme en robot dansant. Mais paradoxalement son premier long-métrage, district 9 ,n’en montre aucun. Dans Elysium , ce sont des seconds rôles. Mais dans Chappie, là c’est open bar, le héros est un robot, son adversaire est un robot piloté. On en revient à cet affrontement du modèle qui se démarque de la masse et qui affronte un ennemi brut de décoffrage. Dans Chappie, on voit que l’IA du robot adopte un comportement qui se rapproche beaucoup de celui d’un humain. Par programmation ou par évolution ? Le rétrécissement de la marge entre une machine et un humain va commencer à poser problème. Dans Blade Runner, les réplicants qu’on ne peut distinguer d’un humain que grâce à un test , le fameux Voight-Kampff , sont banni de la surface terrestre pour ne pas créer de confusion. Dans le film intelligence artificielle de Steven Spielberg , le héros est un robot ressemblent à un petit garçon ,ce qui est très mal vécu par certains personnages. Même dans notre réalité, les robots aux allures abstraites sont très bien acceptés, les usines en regorgent. Mais dès qu’on voit un modèle androïde aux infos, même un prototype reproduisant imparfaitement un être humain partiel ou entier, on sent le malaise poindre. Et plus le mimétisme sera poussé moins la foule l’acceptera. Les robots qui essayent de se faire accepter au sein de la population humaine, par calcul ou de manière sincère, sont nombreux. Les terminator, David du film Intelligence artificielle, les différents androïdes de la saga Alien, Chappie… Il y en a un qui appliquera au pied de la lettre ce principe d’assimilation c’est NDR-114 du film l’homme bicentenaire de Chris Columbus sorti en 2000. Le robot en question NDR-114 donc va à la suite d’un souci technique développer des capacités créatrices à la grande fierté de son propriétaire et va gagner en indépendance au fil de l’histoire. Mais il sentira toujours de la part des humains un sentiment d’infériorité, lui qui veut aller vers eux , on lui fait comprendre consciemment ou non ,qu’il n’est qu’un robot. Il va lors se lancer dans un processus de transformation qui fera de lui un être humain à part entière. Ce film un brin naïf , n’a pas eu le succès escompté. Il est pourtant basé sur une nouvelle d’un des plus grands auteurs de SF particulièrement dans le domaine des robots. Isaac Asimov.
L’évangile robotique selon Saint Isaac ?
Si il y a bien un romancier sf qui a écrit sur les robots , c’est bien Isaac Asimov. Paradoxalement seuls 2 films se sont inspirés de ses écritures. L’homme bicentenaire et I, robot. Dans ce film on y retrouve, encore, un robot en quête d’humanité. Isaac Asimov a tellement marqué par ses publication sur le thème des robots que les trois lois qu’il a édictées ont quasiment valeur de dogme , même auprès des scientifiques experts dans le domaine. Les trois lois de la robotique d’Isaac Asimov , les voici. Première loi : un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni , restant passif, laisser un être humain exposé à un danger. Deuxième loi : Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la première loi. Troisième loi : Un robot doit préserver son existence dans la mesure où cette protection n’entre pas en contradiction avec la première ou la deuxième loi. Des lois qu’Asimov s’amusera à pousser dans leurs retranchements en cherchant toutes les failles possibles. Ce qui donnera l’impression dans certaines œuvres que le robot veut délibérément du mal à un humain. Un exemple : un humain demande à un robot de lui donner une pâtisserie au hasard un Kouign aman, jusque-là rien à dire , mais au fur que l’humain mange le kouign, le robot veut le lui retirer. Donc infraction à la première loi, l’humain doit se nourrir pour ne pas mourir. Oui mais, le Kouign, c’est quoi ? , du beurre beaucoup, du sucre beaucoup et un peu de farine pour lier le tout. Le robot lui va voir les conséquences d’un tel régime : caries, embonpoint, cholestérol, diabète … des dangers bien concrets dans la logique du robot. Alors oui, on n’a pas l’habitude de se goinfrer un Kouign amann entier… Tout est question de mesure, mais où place t’on le curseur, un robot vous servira-t ’il un verre de vin ou vous laissera-t ’il fumer une cigarette ? C’est ce coté logique à l’extrême du robot et sa quasi-infaillibilité qui dérangent, nous les humains imprécis et loin d’être parfaits. Ça nous renvoie une image, certes hédoniste voire inconséquente mais aussi tellement fragile. C’est pour ça qu’on aime les robots rebelles, imparfaits ,c’est parce qu’ils ont l’air plus humains avec leur défauts et parfois leur empathie. Un robot froid, logique, imperturbable aura toujours des réflexions pragmatiques. Et il n’ira jamais nous brosser dans le sens du poil. On pourrait dire ça aussi d’une IA qui anime ledit robot mais le robot incarne cette intelligence ,il interagit avec nous , enfin je dis nous , je devrais dire les personnages des œuvres de fiction mais la robotique moderne est de plus en plus concrète à tel point que comme on dit de manière galvaudée : la réalité rejoint la fiction.
On y arrive … gentiment .
Si vous êtes curieux, allez faire un tour sur la chaine You Tube de la socièté Boston Dynamics. Regardez les vidéos de démonstration d’un robot nommé spot , il s’agit d’un robot quadrupède à l’allure pas très organique mais à la démarche animale quasi naturelle ,c’est bluffant , ou glaçant selon son point de vue sur la chose. Mais ça montre que la robotique évolue et vite… On est loin de la démarche lent et hésitante d’un comédien engoncé dans un costume en carton comme on pouvait voir il y a 60 ans. Il y a l’évolution du style bien sûr, mais aussi de notre réflexion sur le sujet. La technique a rattrapé nos rêves. Les futurs robots copieront plutôt les animaux que les êtres humains, question de fonctionnalité certes mais il y a aussi une barrière psychologique. Tant que le robot se présente sous la forme d’un petit bonhomme rigolo aux allures de jouet, on trouvera ça mignon. Mais quand on verra débarquer un humanoïde aux capacités bien supérieures aux nôtres, là va se poser la question de la cohabitation. Resteront-ils cantonnés à des tâches ingrates ou entreront-ils physiquement dans notre quotidien ? Un peu comme on l’envisage au japon face au vieillissement de la population, de faire appel à des robots assistants pour personnes âgées dépendantes. Va-t-on leur donner forme humaine pour mieux les intégrer ou au contraire les restreindre à une forme fonctionnelle pour créer une barrière psychologique ? L’idée et l’image du robot ont bien changées depuis l’homme en fer blanc qui accompagnait Alice au pays des merveilles. Le robot est tributaire de sa programmation et, sauf problème technique, il ne dévie pas de sa mission. Ce côté systématique, un brin psychorigide, est une forme de sécurité aussi bien pour la santé des humains qui l‘entoure que pour leur confort émotionnel. C’est le sel d’un scénario que de glisser le grain de sable dans cette mécanique parfaite et de devoir composer avec un adversaire qui est étanche à la négociation et au raisonnement humain. Comme les gens ont eu peur des premières locomotives, des premiers aérostats et des premières voitures. Côtoyer de telles machines hors d’un cadre industriel est déroutant. D’autant plus si elles disposent d’une certaine autonomie. Les robots depuis leur apparition ont nourri les fantasmes et les peurs, voir les deux en même temps. Depuis la nuit des temps pourrait -on dire, en effet le Golem issu de la mythologie juive n’est-il pas une sorte de robot ? En introduction, je disais par provocation que tout bon film de SF se devait d’avoir un robot dans son casting. Sa présence n’est pas gage de qualité, mais cela permet d’introduire une nouvelle strate de personnage principaux ou secondaires aux capacités évidemment différentes qui à mon sens permettent d’étoffer un bestiaire multiracial et multiculturel dans les œuvres de sf . Et qui posent également la question : qu’est-ce que la vie ? comment définir un être vivant ? De quel pourcentage d’éléments biologiques doit-il être composé pour qu’un être intelligent sois considéré comme vivant ? Cette question, comme tant d’autres ne trouveront pas forcement une réponse ici, mais peut-être des éléments qui nourriront votre réflexion. Je vous donne rendez-vous dans un mois pour un nouveau numéro de Vous reprendrez bien un peu de Science-fiction ?