Après avoir enquêté sur ses ancêtres de Plomodiern, Yves Queffelec s’est intéressé à saint Mahouarn, le patron de la commune. En tirant le fil de l’histoire de ce personnage, c’est toute une exploration du passé du Porzay qu’il a menée. Elle est aujourd’hui reprise sur des panneaux devant l’église Saint-Mahouarn.
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Yves Queffelec vit en Picardie mais il revient chaque été sur la terre de ses ancêtres à Plomodiern. Il en profite pour mener de belles enquêtes historiques qu’il nous a fait découvrir : l’histoire des frères Queffelec et leur participation à la fondation de la Nouvelle-Orléans au XVIIIe siècle, puis la migration des Finistériens partis travailler dans le Nord de la France en 1903. Pour rendre hommage à ces migrants bretons, Yves Queffelec et sa famille ont même financé l’édification d’une statue dans de la Vallée des saints de Carnoët, à l’effigie de saint Mahouarn, patron de Plomodiern. Comme il fallait caractériser le saint avant de le faire sculpter, et aussi pour expliquer ce personnage aux visiteurs, Yves Queffelec s’est de nouveau plongé dans un travail d’historien très minutieux sur les traces de saint Mahouarn.
Quand l’Armorique devint Bretagne
L’Empire romain connut son apogée territoriale jusqu’à la fin du IIe siècle et l’Armorique fut pleinement romaine jusque vers l’an 410, quand le reflux des légions romaines appelées à défendre les frontières Est de l’Empire permit aux Scots, Pictes et Germains (Saxons, Jutes et Angles) d’avancer dans l’île de Bretagne au détriment des peuples installés, en l’occurence les Bretons. Ces derniers, déjà en étroite relation avec la Gaule armoricaine se réfugièrent donc aussi sur le continent. En quelques décennies au VIè siècle, les contemporains qui parlaient jusqu’alors de l’Armorique ne parlèrent plus que de la Bretagne. Par manque de source écrite, les historiens n’ont toujours pas clairement établi comment en si peu de temps, la langue bretonne, l’administration et les armées bretonnes s’imposèrent sur un si vaste territoire. Ces peuples bretons devinrent conquérants et forgèrent en l’an 851 le Royaume de Bretagne au détriment de leurs puissants voisins carolingiens.
Le culte de Mahouarn
Saint Mahouarn n’a pas d’hagiographie mais des traces de son culte subsistent encore de nos jours et se trouvent uniquement dans le Porzay.
Plomodiern fut érigée en paroisse « parrochia » entre le VIè et le IXè siècle par l’’évêque de Cornouaille, et consacrée sous le patronage de Mahouarn. Une chapelle fut érigée également sur trois autres lieux de culte, selon les limites du pagus minor Porzoed appelé de nos jours le Porzay : trois sites à l’ouest dominant le front maritime en fond de baie de Douarnenez au Juch, à Plomodiern et à Plonévez-Porzay, un site au Nord-Est de la paroisse de Cast au plus près de Châteaulin à la frontière du Vicomté du Faou dans la trouée montagneuse entre la chaîne du Menez Hom et le Menez Quelc’h. Partout ailleurs le Porzay est naturellement limité par des chaînes montagneuses du Menez Hom au Nord, de Locronan au Sud et du Menez Quelc’h à l’Est.
Cette implantation géographique des lieux suggère une prise de possession d’un territoire par un dominus laïc, du besoin d’en contrôler et protéger les accès maritimes et terrestres à l’instar du rôle joué dans la défense côtière par l’abbaye de Landévennec dont les fortifications furent détruites par les Vikings en 913.
Plomodiern, transcrit « Ploemadiern » en 1223 et 1229 dans le cartulaire de l’église de Quimper (1201-1400) ou encore Ploe-maw-tiern ou paroisse de l’homme (sens de grandeur et force morale) chef. Donc un « Plo » suivi d’un nom commun « le grand chef », ce qu’était peut-être Mahouarn, à moins qu’il ne s’agisse de plusieurs personnes, membres d’une dynastie, d’un lignage par exemple. Les cartulaires des abbayes bretonnes mentionnent des chefs laïcs (tierns et machtierns) ou religieux tels que Marchoiarn (Redon en l’an 876), Trihoiarn, Deurhoiarn, Mohoiarn (Vannes en l’an 1130). Les tierns existaient encore au XIè siècle puisqu’ils participèrent à la rébellion du Vicomte du Faou Morvan contre le comte de Cornouaille Alain Canhiart peu avant son décès en l’an 1058.
On trouve en tout cas le prénom Mahouarn, ainsi transcrit dans les actes de baptême, de mariage et de sépulture jusque dans les années 1850 en Porzay. L’étymologie la mieux assurée est Maw-hoiarn ou Homme (sens de grandeur et force morale) de Fer.
On peut donc supposer qu’un personnage (ou plusieurs) nommé Mahouarn fut un membre éminent sinon le laïc fondateur du lignage des tierns/machtierns du pagus minor Porzoed, le Porzay de nos jours.
Traces de saint Mahouarn dans le patrimoine vernaculaire du Porzay
Des ermitage, fontaines, statues, calvaires et chapelles sont encore voués à saint Mahouarn.
Il est le saint patron de la paroisse de Plomodiern comme l’indique le nom de l’église Saint-Mahouarn, son pardon est fêté le 3ème dimanche du mois de septembre. Plomodiern est une paroisse primitive, dont le lieu de culte fut consacré par l’évêque de Quimper entre le VIè et le IXè siècle, période de christianisation des zones rurales. La fontaine Saint-Mahouarn située au bas de la rue de la Fontaine comporte une niche dans laquelle se trouve une statue de saint Mahouarn. Une bannière et un cantique lui sont également dédiés.
Mais il reste aussi des mentions et une statuaire à Cast (lieu-dit Loc Mahouarn au XIXè siècle, bénédiction de nouvelles cloches pour la chapelle Saint-Mahouarn les 15 mai 1650 et 29 octobre 1673, chapelle est détruite entre 1805 et 1812). La fontaine et le lavoir de Loc Mahouarn sont préservés ainsi qu’une statue du saint qui fait l’objet de dévotions jusque dans les années 1950 (la statue est aujourd’hui à l’église paroissiale Saint-Jérôme).
D’autres mentions de chapelles dédiées à Mahouarn sont attestées au Juch où il reste la fontaine-source monumentale Saint-Mahouarn, et à Plonévez-Porzay où un vitrail de la chapelle Sainte-Anne-La-Palud est dédié à saint Mahouarn.