Alors que la France prendra la présidence de l’Union européenne le 1er janvier 2022, l’association Breizh Europe Finistère revient sur les événements 2021 et les perspectives dans un futur proche.
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Par Josselin Chesnel
En cette fin 2021, il est donc temps de faire le bilan des événements qui ont marqué la vie de l’Union européenne en 2021, alors que la France prend la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne le 1er janvier 2022.
Avant d’évoquer les priorités de la présidence française de l’UE (abrégée en PFUE) et celles fixées pour 2022 par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à l’occasion du discours sur l’état de l’UE prononcé en septembre dernier, que faut-il retenir de l’année 2021 ?
La défense européenne et les tensions internationales
La présidente a souligné le manque criant de ce que l’UE et ses institutions nomment interopérabilité entre Etats membres, autrement dit la mise en commun des moyens pour une stratégie commune, notamment en matière de défense et d’autonomie. On l’a vu cette année, pour l’illustrer, avec le retrait relativement chaotique de l’OTAN et des troupes américaines d’Afghanistan, mais aussi avec l’affaire du contrat des sous-marins que la France avait conclu avec l’Australie… : les Américains ne sont pas l’allié fiable qu’on aimerait qu’ils soient.
Donc, en lien avec la PFUE, un grand sommet sur la défense est prévu au cours du 1er semestre de l’année 2022. Un défi fixé aux 27 par Ursula von der Leyen : l’investissement dans des drones, avions et moyens de cybersécurité communs, ce qui est déjà une ambition lourde de conséquences politiques, vu la résistance des Polonais, des Allemands ou encore des Baltes vis-à-vis de l’idée selon laquelle l’UE doit se doter d’une stratégie de défense commune, sans les États-Unis. Mais quand on connaît les ingérences – notamment russes – dans nos processus électoraux, les mêmes réfractaires deviennent favorables au projet de directive sur une stratégie commune dite de cyber-résilience, justement pour nous doter de moyens communs nous permettant de nous prémunir contre ces attaques hybrides contre nos démocraties.
C’est en fait assez singulier pour qu’on le signale : en matière de défense et de tensions armées, l’année 2021 a été particulièrement fournie, surtout sur un continent et dans une Union qui a fait de la paix sa principale réussite et son va-tout ultime, s’il devait bien sûr en rester un seul.
On ne saurait tout évoquer, mais il y a le plus saillant :
D’abord les très importantes tensions entre un pays de l’Union européenne, la Pologne, et la Biélorussie, à la frontière entre les 2, la Biélorussie ayant tout fait pour faciliter l’obtention de visas de personnes désespérées migrant du Proche et du Moyen-Orient vers la Biélorussie, pour que les services de ce pays – pour rappel dernière dictature d’Europe -, les escorte vers la frontière polonaise pour ainsi créer des tensions extrêmement vives, au point que des enfants en bas âge meurent du froid glacial de ces bois frontaliers.
A propos de la Biélorussie, on peut aussi évoquer le détournement, en mai dernier, du vol Athènes-Vilnius par un chasseur de l’armée de l’air biélorusse, dans
l’espace aérien européen, avec la bénédiction des Russes, afin d’intercepter le journaliste biélorusse Protassevitch ?
C’est lié : les Etats baltes, à savoir Estonie, Lituanie et Lettonie eux aussi sont particulièrement préoccupés par l’attitude des Russes vis à vis de l’Ukraine, puisque selon des informations du Pentagone américain, le pays de Vladimir Poutine envisagerait une offensive armée très lourde, par le biais de 150 000 hommes et de
matériel de pointe, en Ukraine d’ici la fin du mois de janvier…
Ensuite, on notera les tensions ethniques et nationalistes ravivées dans les Balkans, surtout en Bosnie-Herzégovine, où l’entité à majorité serbe menace depuis plusieurs semaines de faire sécession, d’avoir ses propres forces armées, etc. Ce sont les démons de tensions toujours très vives depuis une vingtaine d’années qui semblent y ressurgir.
Moins grave, mais tout aussi préoccupant, on peut faire mention du peu de fiabilité que nous inspirent nos alliés américains, d’autant qu’après l’épisode des sous-marins et les explications entre le président Biden et le président Macron, on les pensait moins agressifs. En effet, alors que la France a conclu un contrat pour 3 frégates avec la Grèce pour environ 3 à 4 milliards d’euros, on a appris la semaine dernière que les Américains tentaient de vendre aux Grecs 4 frégates américaines et leur matériel de pointe, pour 6 à 7 milliards d’euros.
Et s’ajoute à tout ça la crise migratoire, en fait crise de l’accueil, qui ne s’est in fine jamais terminée, avec l’épisode de mai 2021 et la crise diplomatique entre l’Espagne et le Maroc vis à vis des 8 000 migrants dont 2 000 mineurs que le Maroc a laissé pénétrer dans l’enclave espagnole de Ceuta, comme l’épisode du mois dernier des 31 migrants morts en Manche, Royaume-Uni et France étant visiblement incapables de s’entendre à cet égard au point d’être rappelés à l’ordre et à leurs engagements respectifs en matière de droits humains par le Conseil de l’Europe…
La gouvernance de l’Europe en 2021… et 2022
A l’échelle des nations européennes, parmi les événements politiques marquants, on peut déjà retenir qu’après la remarquable présidence de l’Allemagne en 2020, qui a eu à gérer le plus gros de la crise sanitaire et de la concurrence entre Etats membres dans l’accès aux vaccins et masques dans un temps premier, ce sont le Portugal puis la Slovénie qui ont pris cette présidence tournante, le premier ayant souligné l’urgence d’une Europe sociale tandis que le second a préféré, si on me permet cette opinion, la gestion classique des affaires courantes, sans prendre de gros risques. Après la France, ce sera par ailleurs au tour de la Tchéquie puis de la Suède.
Car en effet, du 1er janvier au 30 juin 2022, c’est notre pays qui exercera la présidence du Conseil de l’Union européenne, pour la 13e fois depuis 1958. Ainsi, tous les six mois et à tour de rôle, c’est un pays différent de l’UE qui organise les grandes réunions des ministres et fixe des priorités. D’ailleurs, au cours des mois de janvier et de février, 2 des réunions des ministres des Vingt-Sept s’inscrivant dans le cadre de la PFUE auront lieu à Brest : une réunion relative aux Affaires
étrangères et à la Défense, justement, et ensuite le Sommet mondial des océans, que la présidence de la République a choisi d’inscrire dans ce cadre de la PFUE. À la mi-janvier, Emmanuel Macron sera justement devant les eurodéputés pour débattre de cette présidence qui ne sera qu’à ses balbutiements.
A l’échelle des Etats membres pris séparément, l’année 2021 n’a pas été de tout repos. A titre d’exemple, il y a eu beaucoup d’élections un peu partout au sein de l’UE avec, entre autres et pour l’illustrer, celle d’Olaf Scholz en Allemagne et celle de Magdalena Andersson en Suède, par ailleurs première femme Premier ministre de l’histoire du pays.
Quelques faits qui ont marqué la chronologie européenne :
Dès mars 2021, l’Espagne a légalisé l’euthanisie, devenant ainsi le 6e pays au monde et le 4e pays membre de l’UE à le faire, après les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg.
En mai, pour non respect du RGPD (Règlement général sur la protection des données), au Luxembourg justement, la Commission nationale de protection des données du pays a infligé une amende record de 746 M d’euros à Amazon, pour récupération et analyse des données personnelles des clients luxembourgeois de l’entreprise américaine à des fins mercantiles de ciblage publicitaire sans leur consentement. Au sein de l’UE, c’est la plus grosse amende jamais infligée pour infraction à l’utilisation des données.
En octobre, il y a eu démission de l’emblématique chancelier Kurtz en Autriche.
Ce mois de décembre 2021, on apprenait que la cour constitutionnelle hongroise donnait tort à son premier ministre Viktor Orban, qui avait opéré un recours s’agissant de la primauté du droit de l’Union européenne sur le droit national hongrois en matière migratoire, primauté qu’il réfutait. D’ailleurs, alors que la Hongrie et la Pologne ont continué cette année de poser problème à l’UE et à un grand nombre de ses Etats membres s’agissant du respect du droit de l’UE et des droits fondamentaux plus basiquement, une avancée considérable à cet égard est notable : l’UE a joué, sous la pression de plusieurs de ses parlementaires, au jeu de la carotte et du bâton. Ainsi, les fameuses LGBT free zones polonaises, ou zones sans LGBT, ont été abolies des collectivités territoriales polonaises où elles existaient, puisque la menace de ne plus toucher les aides financières européennes, dites fonds de cohésion, se faisait de plus en plus prégnante.
Enfin, démontrant s’il en était besoin combien les Européens sont eux aussi vulnérables aux conséquences de la grande mutation climatique en cours, on ne saurait évoquer cette année 2021 sans avoir une pensée pour les plus de 200 victimes allemandes, belges et néerlandaises des vastes et
incontrôlables inondations de juillet.
Il y aurait tant d’autres choses qu’on pourrait mentionner, des menaces de la République populaire de Chine faites à la Lituanie car elle a accepté sur son sol une représentation officielle de Taïwan, au nouveau pacte bilatéral signé entre la France et l’Italie, selon plusieurs observateurs nouvelle alliance forte en Europe, au lendemain du départ de Merkel, après 16 ans de gouvernance allemande remarquées. Comment également ne pas citer la nouvelle coalition allemande avec son nouveau chef Olaf Scholtz, désigné par l’assemblée du pays la semaine dernière, et son gouvernement de coalition rose-vert-jaune ?
Quant aux nouvelles certes plus anecdotiques mais également plus positives : l’Italie, qui a gagné en mai l’Eurovision (la France ayant frôlé cette victoire de peu), et en juillet l’Euro de football. Quelle belle démonstration de résilience de la part des Italiens, après tout, quand on n’ignore pas combien le pays a souffert des débuts de la pandémie !
Enfin, il n’est pas complètement inutile d’évoquer la victoire de mai 2021, outre-Manche, des indépendantistes écossais aux élections législatives, très large, et donc de la demande qu’ils font depuis sans cesse en faveur de l’organisation d’un nouveau référendum d’indépendance auprès du Premier ministre britannique Johnson, animés qu’ils sont par l’envie de refaire partie de l’Union européenne, les Ecossais ayant voté – pour rappel -, à l’occasion du vote sur le Brexit de 2016, à près de 70 % contre la sortie de l’UE, ce qui est considérable.
Stratégie vaccinale, mission spatiale européenne, pacte vert européen, politique migratoire
Le plus évident consisterait à dire d’abord un mot de la stratégie vaccinale. En effet, alors qu’un nouveau confinement a été mis en place chez nos amis autrichiens, en sus de la décision de rendre le vaccin contre la Covid-19 obligatoire dès 2022, il se trouve qu’on apprenait la semaine dernière que l’Allemagne du nouveau chancelier Scholz réfléchissait à de pareilles mesures. À l’échelle de l’UE comprise comme entité politique force de propositions et de décisions, justement, la présidente von der Leyen s’est récemment dite favorable à un débat sur l’obligation vaccinale. Il faut imaginer l’ampleur politique de pareille décision au sein des Etats membres, alors que la stratégie vaccinale européenne semble avoir porté ses fruits – en dépit des retards du début -, puisque plus de 70 % de la population adulte européenne y est bel et bien vaccinée, que plus de 700 millions de vaccins ont été livrés aux Européens, et enfin que plus de 700 millions d’autres ont été livrés au reste du monde via le mécanisme de solidarité des Nations unies dit COVAX…
Au-delà de la crise sanitaire, on peut commencer par un fait susceptible de nous rendre assez fiers, quand de grandes choses pour l’humanité sont accomplies ensemble : en avril, Thomas Pesquet décollait vers l’ISS pour 6 mois (il est revenu sur Terre le mois dernier), dans le cadre de la mission spatiale européenne Alpha.
Si on remet nos pieds sur Terre, on peut aussi évoquer l’annonce faite par la présidente de la Commission d’un projet de financement s’élevant, d’ici 2027, à 50 milliards d’euros en faveur d’une Structure européenne de préparation et d’intervention en cas d’urgence sanitaire, qui s’intitulera Hera, du nom de la déesse grecque.
Aussi, on peut tout de même prendre la peine de rappeler l’existence d’un Pacte vert pour l’Europe, le fameux Green Deal et son ambitieux objectif d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030.
Mais encore… le débat relatif à l’assouplissement des règles budgétaires, que la Commission européenne souhaite ouvrir prochainement, le Pacte de stabilité et de croissance limitant les déficits publics à 3 % et la dette à 60 % du PIB ayant été suspendu il y a plus d’1 an du fait de la crise et ne correspondant de toute façon plus à ce qui est faisable, 30 ans après le traité de Maastricht qui l’avait prévu. Aussi, on l’apprenait très récemment, le projet porté par la Commission d’un compromis à trouver entre Etats membres avant directive européenne, sur la salarisation souhaitée des livreurs des plateformes privées américaines Ubereats, Deliveroo et consorts.
Aussi a-t-on enfin acté, à l’échelle de l’UE, puisqu’on a parlé du phénomène migratoire, que Malte accueillerait vraisemblablement une nouvelle agence commune de l’asile, en lieu et place de l’actuel Bureau d’appui en matière d’asile dit EASO, ce qui est une nouvelle tout à fait importante.
Mais on pourrait encore mentionner :
– les tensions entre Britanniques et Français quant aux quotas et licences de pêche, d’autant que la France a été in fine assez lente sur ce dossier afin de se faire entendre auprès de la Commission européenne, notamment s’agissant de sa centaine de licences de pêche non renouvelées par les Britanniques.
– enfin, la stratégie d’élargissement de l’Union européenne aux Etats des Balkans occidentaux, le véto bulgare (après celui de la France au cours des années
2019 et 2020) vis à vis de l’ouverture des négociations d’adhésion à la Macédoine du Nord, ce qui n’est pas sans provoquer des tensions évitables dans la région…