Le poisson, c’est « bon pour la santé ». Certes, mais reste-t-il encore du poisson dans l’océan ? N’est-il pas surpêché ? Et est-ce si bénéfique au regard des polluants émis par les humains et absorbés par les animaux marins en général ? François Le Loc’h, chercheur en écologie marine nous éclaire.
François Le Loc’h est chercheur en écologie marine à l’IRD – Institut de recherche pour le développement
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François Le Loc’h étudie l’impact de la pêche et du changement climatique sur l’évolution des écosystèmes marins et sur les pêcheurs, essentiellement en Afrique et au Brésil, mais ses collègues de l’Institut ce recherche pour le développement travaillent partout dans le monde. En outre le rapport sur l’état des poissons pêchés en France en 2021 vient tout juste d’être publié.
Pour évaluer la quantité de poissons sous les mers, les chercheurs s’appuient sur des campagnes océanographiques régulières et sur les données de captures que les pêcheurs doivent renseigner. On sait ainsi que 50 % des stocks de poissons en France métropolitaine sont exploités de façon durable, contre 10 / 20% il y a 20 ans. La gestion s’est donc nettement améliorée même si on est encore loin des 100%. Ceci dit, plus de la moitié des poissons consommés en France viennent d’ailleurs…
Dans le monde, 800 espèces de poissons sont pêchées, avec de grosses différences d’un secteur à l’autre ; on ne connait pas toujours l’état de santé de toutes les espèces. On sait qu’une espèce est sur-pêchée quand on constate que sa population s’effondre lors des observations de terrain ou au vu des captures de pêche. Plusieurs paramètres interviennent : reproduction, alimentation, mortalité naturelle (nombre de prédateurs) ou par pêche.
La sole et le cabillaud surpêchés, le merlu et le hareng en bonne santé
Dans les eaux françaises, on a constaté que la sardine ou la sole du Golfe de Gascogne sont menacées, ainsi que le cabillaud (ou morue). Ce dernier poisson se porte bien en Norvège, mais en Manche et mer du Nord, il est victime de l’élévation des températures car le cabillaud est une espèce qui apprécie l’eau froide. Le changement climatique a par ailleurs aussi un impact sur les proies ou les prédateurs du cabillaud. Et aussi sur la saisonnalité : il peut y avoir des décalages de saison dans l’océan, le phytoplancton diminue ou apparait plus tard, le zooplancton qui le consomme aussi, et ainsi de suite jusqu’aux espèces qui sont en haut de la chaîne alimentaire.
Par ailleurs, la Méditerranée, mer fermée et peu productive, est en situation bien plus critique ; quasiment tous les stocks de poisson y sont en mauvais état ; à l’exception notable du thon rouge.
On observe des améliorations notable pour certaines espèces en Atlantique : le merlu et le maquereau ; et ça va même très bien pour la coquille Saint-Jacques en Manche
Les multiples interactions entre espèces, mais aussi avec les activités humaines, l’environnement
Le changement climatique a donc un impact sur les stocks de poissons. Animaux à sang froid, ils sont adaptés à une certaine température ; pour survivre, ils doivent rester à la température pour laquelle ils sont adaptés, sinon, ils migrent ; ainsi le cabillaud migre vers le nord, on voit remonter du sud des dorades. On estime que le changement climatique entraînera 10 à 20 % de remplacement des espèces de poisson en Atlantique. Les pêcheurs s’y adaptent déjà, comme lors de l’explosion du poulpe ces derniers mois, en raison sans doute de son cycle de vie court et sans doute pour des raisons environnementales ou de disponibilité de nourriture comme le retour des langoustes en Bretagne.
Et la question des polluants en mer ?
Le poisson est-il bon pour la santé ? Oui car il contient omegas 3 et omegas 6, surtout les poissons gras, que notre corps ne produit pas et qui nous sont indispensables ; les poissons sont aussi sources de protéines et de vitamines. Mais la mer est aussi un réceptacle de pollutions terrestres : mercure lié à l’orpaillage, plastiques, pesticides liés à l’agriculture, dioxine liée à l’industrie… ces poisons sont d’autant plus concentrés qu’on se trouve près des côtes. Les espèces prédatrices ont tendance à « bio-accumuler » les toxines. L’âge du poisson joue aussi en faveur de l’accumulation. L’aquaculture plus proche des côtes et avec l’intervention de traitement médicamenteux produit des poissons plus contaminés que les poissons sauvages. Les polluants organiques persistants (pesticides) s’accumulent davantage dans la matière grasse et sont donc plus présents dans les poissons gras.
Il est donc conseillé de manger des poissons non sur-pêchés et de diversifier sa consommation d’espèces. En France, les produits sont contrôlés par l’Anses donc on peut consommer en sécurité, sans craindre un taux de contamination dangereux.