Nos assiettes sont au cœur de multiples enjeux : pour notre santé, on nous recommande d’éviter les aliments trop transformés, pour des raisons écologiques on nous enjoint d’acheter en circuit court, si possible bio, et pour ces raisons auxquelles s’ajoutent des motifs économiques, on nous prescrit de cuisiner. L’ennui c’est qu’on peut avoir de très bonnes raisons pour ne pas se mettre aux fourneaux. Alors cuisiner est-il indispensable pour bien manger ?
Le site internet de l’université des sciences et des pratiques gastronomiques
La page Facebook de l’université des sciences et des pratiques gastronomiques
Réécoutez l'émission
Une fois par mois dans Lem, on s’installe à la table de l’Université des sciences et pratiques gastronomiques pour s’interroger sur la cuisine, l’alimentation au sens large, de la production à la dégustation… comme phénomènes sociaux, environnementaux, économiques.
Sur fond d’injonctions sanitaires en tout genre, d’urgence climatique, de contraintes économiques, les personnes qui ne cuisinent pas peuvent légitimement se sentir un brin stigmatisées… Alors, faisons un pas de côté et posons-nous la question : cuisiner est-il indispensable pour bien manger ?
Les bonnes raisons de ne pas cuisiner
En fait, les personnes qui ne cuisinent pas ont parfois d’excellentes raisons de ne pas s’y mettre : absence de transmission familiale et méconnaissance totale des savoir-faire de base, ou des sources d’approvisionnement pour trouver de bons produits à prix raisonnable, manque d’équipement, manque de temps et d’énergie (notamment en cas de travail en horaires décalés ou morcelés), manque d’envie (quand on vit en solo, difficile parfois de se motiver pour mitonner de bons petits plats).
Les ingrédients du « bien manger »
Certes, bien manger, c’est manger à sa faim et suffisamment équilibré pour ne pas souffrir de carence. Du point de vue de la santé, c’est aussi manger des produits qui ne nuisent pas notre corps à plus ou moins long terme : ni trop gras, salés ou sucrés, ni trop transformés, ni trop pollués… Mais on peut ajouter d’autres dimensions au « bien manger ». La dimension culturelle et le fait d’avoir conscience de ce qu’on mange, savoir qu’il s’agit d’éléments au départ naturels, de vivant donc avec des saisons pour les végétaux et les poissons, des besoins pour les animaux d’élevage, qui sont par ailleurs obtenus par des humains dont les besoins doivent aussi être pris en compte. S’y ajoute une dimension sociale forte : quel est l’intérêt d’un repas savoureux s’il est pris en mauvaise compagnie ? Et si la nourriture est mauvaise, l’ambiance reste-t-elle au beau fixe ?
Pas besoin d’être toqué pour cuisiner
Quant à l’acte de cuisiner, là encore on s’en fait parfois toute une idée … reçue, façonnée par les émissions de télévision qui présentent la préparation des repas comme un véritable art ou une technique extrêmement complexe, poussant au complexe, voire à la peur, les novices en cuisine.
Pourtant, cuisiner – transformer des produits bruts – peut être un acte extrêmement simple : éplucher, découper quelques légumes, mettre quelques ingrédients dans une cocotte en fonte et laisser mijoter, assembler des ingrédients sans même les cuire dans une salade… Il faut aussi imaginer qu’on peut cuisiner sans forcément suivre une recette établie qu’il faudrait respecter à la lettre. Sortir des schémas c’est aussi renoncer à suivre les conventions : entrée, plat, dessert… on peut aussi se contenter d’un plat complet ou d’une entrée copieuse avec un dessert.
Pour cuisiner sans trop investir, surtout si on n’a pas les moyens de s’offrir le robot-cuiseur miraculeux mais coûteux, on peut déjà se doter d’une cocotte-minute, d’une cocotte en fonte et d’une poêle sans revêtement anti-adhésif et une casserole, les ustensiles qui suffiront pour réaliser de nombreux types de cuisson
Pour y passer peu de temps, l’idée est aussi de rendre plus efficace le temps de la cuisine. Une eau de cuisson, surtout de légumineuses, est un aliment riche et nutriments ; en y ajoutant des légumes réduits ou en y laissant mijoter quelques temps une carcasse de poulet, on peut obtenir un bouillon savoureux.
Lieux et mutualisations de repas
Pour apprendre, on peut profiter des ateliers cuisine proposés par les centres sociaux ou les associations qui ont une vision globale de cette transmission, au-delà de la seule animation, dans le cadre d’un projet de quartier ou de territoire, sur le modèle de la « cantine populaire ». En milieu rural, ce type de moment de cuisine apprenante et partagée peut passer par une cuisine mobile en plein air. Les communes ou associations peuvent aussi lancer et organiser des mutualisations à l’échelle d’un habitat collectif ou d’un hameau : certaines personnes vont cuisiner pour leurs voisines et voisins qui en échange proposeront d’autres services. Une idée simple à base de convivialité, ingrédient de base du repas réussi.