Parmi ses nombreuses missions dans le bassin versant de l’Aulne, l’Epaga – Établissement public d’aménagement de l’Aulne et de l’Hyères – doit veiller à la disponibilité de la ressource en eau et au maintien d’un débit minimal du fleuve. Cela s’appelle le soutien d’étiage ; cet été 2022 il a commencé bien plus tôt que d’habitude et la crise sécheresse n’est pas terminée.
Gaël Calvar, vice-président et Xavier Badé, co-animateur du SAGE de l’Aulne, Responsable du service Aménagement du Territoire de l’Epaga
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Le bassin versant de l’Aulne a connu d’autres épisodes de sécheresse, notamment en 2003. Seulement, en cette année 2022, le phénomène fait suite à un printemps sec, un hiver peu pluvieux et la menace sur la ressource en eau a été très pesante. En cette mi-septembre, le département du Finistère est toujours officiellement en situation de « crise sécheresse » le plus haut niveau d’alerte qui implique de nombreuses restrictions des usages de l’eau. Certaines communes des monts d’Arrée qui avaient leurs propres réserves d’eau, alimentées par la pluie, se retrouvent à sec et doivent se faire approvisionner.
Veiller sur la ressource en eau est une des missions de l’Epaga, avec bien d’autres : prévention des inondations, qualité de l’eau, la préservation de la biodiversité, développement de pratiques agricoles compatibles avec ces objectifs, et le tout en lien avec le littoral puisque l’Aulne est bien un fleuve qui se jette dans la mer.
Un bassin versant peu propice au stockage de l’eau
Le bassin versant de l’Aulne et de l’Hyères est un vaste territoire baigné par les deux rivières principales et leurs affluents, très nombreux en raison des particularités géologiques et morphologiques du bassin : un sous-sol de schiste, roche imperméable sur laquelle l’eau ruisselle davantage, avec des failles trop rares et pas de grandes nappes phréatiques, deux crêtes de relief (monts d’Arrée et Montagnes noires) sur lesquelles les précipitations se déclenchent mais ruissellent aussi plus rapidement, des zones humides insuffisantes pour jouer le rôle d’ « éponges », des sols imperméabilisés par les activités humaines d’aménagement ou les pratiques agricoles, peu de haies pour retenir le ruissellement. Des pluies trop fortes ne sont pas forcément retenues localement et s’en vont verse l’océan sans avoir eu le temps de s’infiltrer dans les sols.
Le rôle du réservoir Saint-Michel à Brennilis
S’il ne pleut pas suffisamment, le débit de l’Aulne diminue et son étiage – son point le plus bas – peut devenir problématique. Il faut en effet un minimum d’eau non seulement pour alimenter en eau potable quelque 120 000 personnes (jusqu’à Fouesnant), mais aussi pour assurer la vie de la faune et de la flore des rivières. Une mesure-témoin est effectuée en permanence à Châteauneuf-du-Faou. Quand la cote d’alerte basse est atteinte, l’Epaga déclenche un soutien d’étiage, en calculant le débit qui doit être lâché. En accord avec EDF, le barrage du réservoir Saint-Michel à Brennilis est ouvert progressivement et l’Ellez (la rivière qui l’alimente) grossit peu à peu. Il faut deux jours pour que l’eau s’écoule jusqu’à la partie canalisée de l’Aulne.
En cette année 2022, le niveau du réservoir Saint-Michel est descendu particulièrement bas, il a en effet fallu effectuer des lâchers d’eau plus tôt – mi-juin au lieu de fin juillet habituellement – et plus fort. Si on poursuivait les lâchers d’eau tels qu’ils ont été faits en août il ne nous resterait que 15 jours de réserve en cette mi-septembre 2022…
Anticiper d’autres sécheresses, modifier les aménagements et les pratiques
Il faut bien sûr réagir immédiatement à cette situation ; c’est le but des mesures de restriction et des incitations aux économies d’eau. Les collectivités se doivent de montrer l’exemple. La vidange de la piscine de Châteaulin a ainsi été reportée à une date ultérieure. Si la sécheresse s’installe aussi en automne, il faudra utiliser les eaux de profondeur du lac de Brennilis et on pourrait même aller jusqu’à vidanger le canal qui permettrait de récupérer les volumes d’eau (ceux qui restent entre les écluses).
Mais dans la perspective du changement climatique et de la multiplication des épisodes semblables, il sera indispensable de changer bien davantage l’aménagement du territoire et les pratiques : recréer des zones humides, replanter le bocage, semer les cultures sans labourer, etc. Des expériences ont déjà été menées et leur généralisation permettra de réduire les impacts des sécheresses et des canicules sur le niveau des cours d’eau du bassin versant de l’Aulne et de l’Hyères.