Comme chaque année, la rentrée de l’Union européenne est marquée par un « discours sur l’état de l’UE » qui trace les grandes lignes de la politique européenne des prochains mois. Forcément en cette fin 2022 elle est marquée par les questions géopolitiques. La médiatisation de ce discours montre aussi que l’UE prend de l’importance sur ce terrain. Analyse de Breizh Europe Finistère.

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Par Maël Cordeau président de Breizh Europe Finistère

La rentrée politique européenne est comme chaque année marquée par le discours sur l’état de l’Union européenne : au mois de septembre et tout au long de son mandat la présidente de la Commission européenne doit prononcer le discours sur l’état de l’Union européenne.
Ce discours, pour ce qui est de la forme, ressemble à celui prononcé par le président des États-Unis d’Amérique devant le congrès. Pour l’Union européenne, le discours est prononcé devant les députés européens au Parlement européen de Strasbourg ainsi que les commissaires européens et bien souvent des invités, cette année c’était la femme du président Zelensky, Olena Zelenska.

En quelques mots, le but du discours est de rappeler l’action politique de l’Union européenne au cours de l’année écoulée et surtout d’annoncer les grands travaux que propose de lancer la Commission européenne. Par ailleurs, il est important de noter que c’est un moment démocratique important puisque, dans une phase de questions réponses post-discours, les représentants de la Commission européenne sont directement interpellés par les parlementaires afin de réagir a ce qui vient d’être annoncé et défendre leurs positions.

Un discours de plus en plus repris par les médias

Il est vrai que la présidente von der Leyen doit faire face à des mutations inédites pour le continent et le monde. On ne peut pas le nier, jusqu’à son accession à la présidence, les discours n’étaient pas très médiatiques.
Et, à ce propos, pour la première fois en France des médias l’ont enfin diffusé en direct sur leur chaîne d’info en continu, à l’instar de France24. C’est dire le retard national qu’il y a en matière de communication sur l’action européenne et surtout la volonté de montrer que la France fait partie d’un ensemble de 27 États.
Ainsi les deux plus grands journaux de la télévision française n’ont consacré que quelques minutes alors que le discours aura d’évidente répercutions sur la vie des Françaises et des Français.
On peut in fine se dire que si l’on a jamais autant parlé du discours en France, on reste toutefois l’un des pays de l’UE où on en parle le moins.

D’un discours à l’autre, des évolutions marquées : de l’écologie à la géopolitique

Celui de 2020 était axé sur l’action menée par l’Union européenne au cours de la crise sanitaire et celui de 2021 sur l’annonce de la Commission européenne quant à sa volonté d’inscrire l’Europe dans la démarche du Green Deal, qui vise entre autres à baisser les émissions de gaz à effet de serre. L’an passé, l’Union européenne a dû faire face à un autre défi, celui du respect de l’Etat de droit notamment en Pologne et en Hongrie. Pour rappel, des collectivités territoriales de Pologne avaient instauré des zones dites LGBT-free, c’est-à dire où les personnes issues des minorités sexuelles n’étaient pas les bienvenues. Aussi l’Etat polonais avait souhaité strictement restreindre l’accès à l’interruption volontaire de grossesse.
Par ailleurs, faire grimper l’Union européenne au rang de puissance géopolitique fut un élément que la présidente avait souligné au tout début de sa présidence, l’actualité répondant par ailleurs pleinement à cette vocation.

Depuis le 24 février 2022, l’Ukraine, pays souverain, c’est-à-dire un État qui a des frontières reconnues par le droit international depuis plus de trente ans, est envahi par les forces militaires russes.
Les États-Unis, l’Union européenne, et d’autres pays, par exemple la Nouvelle-Zélande, l’Australie ou encore le Canada, ont appuyé l’armée ukrainienne pour se défendre. La Pologne de son côté à fait un travail considérable en matière d’accueil des réfugiés. Il y a aussi eu des escalades de tensions entre les pays occidentaux et le dictateur russe. Cet été la situation ne s’est pas du tout arrangée puisqu’il y a eu de vives tensions autour de la plus grande centrale nucléaire de l’Union européenne, à savoir celle de Zaporija.
Ainsi la présidente de la Commission européenne est revenue sur les conséquences de la guerre en Europe et a proposé de nouveaux éléments dans le long terme, notamment contre la hausse des prix de l’énergie.
Cela passera d’abord par la diversification des fournisseurs de gaz pour ne plus se retrouver dans cette situation de dépendance vis-à-vis d’un unique pays, ici la Russie. Ainsi il faudra se tourner vers la Norvège, l’Algérie, les États-Unis, l’Azerbaïdjan… Un autre moyen d’action, qui peut d’ailleurs être mis en place assez rapidement, c’est l’investissement massif dans les énergies renouvelables. Même avant la guerre, l’objectif était inscrit dans le Green Deal : le voilà maintenant renforcé.
Une autre annonce qui aurait été difficilement imaginable hors temps de crise c’est la redistribution des recettes excédentaires du secteur de l’énergie. Concrètement, cela signifie que les entreprises de l’énergie qui s’enrichissent sur le dos des consommateurs se verront vraisemblablement limitées dans cette dynamique, ce qui constitue évidemment une grande première !

L’Union européenne traverse une phase de mutations politiques. Alors que le dictateur russe menaçait la Finlande après sa demande d’intégration à l’OTAN, le pays est cet été allé au bout de la démarche, et ce en compagnie de la Suède.
Si on entend parfois que l’Union européenne est molle et sans intérêt, les sanctions imposées ont affaibli la Russie pour de longues années. En 2022, le PIB du pays a déjà chuté de 11,2 %. La présidente de l’Union européenne ne change pas de cap et l’UE reste du côté de l’Ukraine.

L’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie candidates à l’entrée dans l’UE, avec d’autres

Le sujet est crucial. Pour qu’un État intègre l’Union européenne, il faut en premier lieu qu’il dépose une demande d’adhésion au processus d’intégration qui, lui, prend plusieurs années. Le processus se compose de 35 chapitres (les critères de Copenhague) que les États candidats doivent remplir en réformant leurs pays pour qu’ils atteignent les valeurs communes aux 27 États déjà membres de l’Union européenne. Ainsi l’Ukraine et la Moldavie, après un vote à l’unanimité par le Conseil et une procédure accélérée dudit vote, ont obtenu le statut de candidates. Mais le Parlement européen, le 23 juin, a rappelé que l’adhésion totale des candidats ne dépendrait que du mérite de chacun d’entre eux. En effet, il y a déjà 5 pays candidats, tous dans les Balkans occidentaux. Certains comme l’Albanie et le Monténégro ont déjà mené des efforts considérables.
La présidente de la Commission européenne a même réaffirmé que sans ces États,l’Union européenne ne serait jamais complète. Cette déclaration a fait suite à celle du chancelier allemand qui affirmait vouloir travailler pour une Union européenne à 36. Néanmoins, cela ne peut pas se faire hâtivement et c’est la raison pour laquelle il avait aussi exprimé son accord avec la création d’une Communauté politique européenne proposée à la fin de la Conférence sur l’avenir de l’Europe par le président de la République française Emmanuel Macron, le but étant de renforcer le dialogue politique avec les pays européens ne faisant pas déjà partie de l’Union
européenne.
La présidente a donc annoncé le soutien de cette initiative tout en voulant renforcer les coopérations avec l’Ukraine notamment via un accès facilité au marché européen et à la zone d’itinérance qui garantit la gratuité des données. Ces nouvelles sont primordiales pour le destin du continent européen. Pour autant, il convient de rappeler que la Bosnie-Herzégovine ainsi que le Kosovo sont eux aussi candidats, leurs situations politiques étant critiques et le dirigeant russe pouvant sans doute s’en servir.
Nous reparlerons d’ailleurs du processus d’élargissement dans une prochaine émission.

L’État de droit et la Hongrie

La présidente de la Commission européenne a de nouveau affirmé l’intention de la Commission de contrôler le respect de l’État de droit, notamment au sujet de l’indépendance de la justice. Pour rappel l’an dernier la Pologne avait fait beaucoup parler du fait d’un projet de réforme qui aurait rendu certains juges polonais moins indépendants, soit plus dépendants du pouvoir politique national. Or, c’est un point essentiel pour l’Union européenne et son droit. C’est d’autant plus exact qu’il n’est pas envisageable de revenir en arrière, après avoir intégré l’Union, s’agissant de ce point qui fait partie de l’acquis communautaire. La Pologne avait donc été menacée de suspension des fonds du plan de relance et de cohésion.
A ce titre, c’est à présent la Hongrie qui risque d’en faire les frais. Depuis 2 semaines le pays est menacé de perdre ⅓ de ses fonds européens soit 7 milliards d’euros de fonds de cohésion pour non respect des valeurs démocratiques, de l’État de droit, des droits des minorité et de la liberté de la presse. Pour se rendre compte du montant, il faut avoir à l’esprit que la seule Région Bretagne a touché près d’1 milliard d’euros entre 2014 et 2020. La procédure contre la Hongrie va être soumise au vote à la majorité qualifiée des États membres de l’Union européenne dans les prochaines semaines. Si la Pologne a certainement compris les enjeux, la Hongrie sombre dans ce qu’on pourrait appeler la démocrature, ou en tout cas le régime illibéral par ailleurs promu par Orban lui-même, comme l’a voté le Parlement européen il y a deux semaines justement.

Sécheresse et politique écologique européenne

Cet été a été l’un des plus rudes en ce qui concerne la sécheresse pour l’Europe, le Finistère a d’ailleurs été particulièrement touché avec les incendies des Mont d’Arrée. ?
Les changements climatiques sont observés grâce aux satellites du programme Copernicus qui est un système spatial européen coordonné par l’Agence spatiale européenne. Ce système de surveillance permet de prendre des mesures, de détecter des anomalies et aussi de prendre des photos de la sécheresse, par exemple diffusées dans les médias qui comparent l’Europe de l’été 2021 à l’été 2022.
Effectivement, dans le Finistère, nous sommes bien placés pour mesurer l’impact du changement climatique. L’intensité des incendies a fait que la France n’avait pas les moyens matériels d’être à la fois en première ligne en Gironde, dans le sud-ouest de la France, dans le Finistère, etc. C’est pourquoi des bombardiers suédois sont par exemple venus en renfort.
Ces événements tragiques ont fait resurgir les discussions sur l’amélioration du mécanisme européen de protection civile dont dispose l’Union européenne.
A ce titre la présidente de la Commission européenne a annoncé l’achat de 10 avions supplémentaires ainsi que de 3 hélicoptères pour appuyer toujours davantage le mécanisme. Le mécanisme en question peut donc être déclenché partout dans le monde pour demander une assistance à l’Union européenne, lorsqu’un État est dépassé du fait d’une catastrophe de grande ampleur. Récemment le mécanisme a été déclenché, pour les incendies en France, au Portugal, en Allemagne et ailleurs, ou encore pour l’Ukraine ou même l’Afghanistan (lors du retrait des troupes états-uniennes en août 2021.)
En matière d’environnement et de souveraineté européenne, la présidente a aussi déclaré vouloir faire de l’année 2023, l’année européenne des talents. Cette initiative vise à accentuer l’accompagnement à la formation et la création de main d’oeuvre qualifiée notamment dans le domaine de la rénovation énergétique entre autres choses. Ultime annonce environnementale : la création d’une banque d’investissement dans l’hydrogène pour appuyer les projets émergents.

Le rôle du parlement européen

Les députés européens étaient présents à Strasbourg pour la plénière et le discours. Ils ont pu voter des avancées majeures. Notamment l’adoption de la nouvelle directive européenne sur le salaire minimum, qui vise à augmenter les salaires minimum dans les États membres. Ce vote a été adopté par une large majorité (505 membres du Parlement ont voté pour, 92 contre et 44 se sont abstenus.)
Il y a aussi eu le vote en faveur d’un objectif de 45 % pour les énergies renouvelables dans le mix énergétique de l’UE d’ici 2030, ce qui ouvre les négociations avec les 27 États membres pour finaliser le texte avant la fin de l’année. S’il s’agissait de faire bref : l’année et les événements dramatiques qui risquent de l’accompagner s’annoncent encore chargés et il nous paraît important de souligner une nouvelle fois combien l’Union européenne est l’échelon idéal pour répondre à l’ensemble de ces enjeux, de la mutation climatique à la reprise de la guerre en Europe, qui ne sauraient se satisfaire de réponses nationales alors que les défis sont bel et bien globaux.