Cette saison dans Lem, Xavier Hamon, fondateur de l’Université des sciences et pratiques gastronomiques de Quimper nous propose d’explorer les métiers de l’alimentation. On commence par celui qu’il exerce lui-même : cuisinier.
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Réécoutez l'émission de septembre 2021 sur cette question
Une fois par mois dans Lem, on s’installe à la table de l’Université des sciences et pratiques gastronomiques pour s’interroger sur la cuisine, l’alimentation au sens large, de la production à la dégustation… comme phénomènes sociaux, environnementaux, économiques, culturels et politiques.
Xavier Hamon est cuisinier et il réfléchit depuis longtemps à l’évolution de ce métier, comme il l’a fait aussi sur notre antenne en septembre 2021 et en janvier 2022.
Un métier perçu comme difficile, comme si c’était une fatalité
Déjà, il semble urgent de s’interroger tant la désaffection frappe malheureusement ce métier réputé « dur ». En effet, en cherchant des définitions au hasard, Xavier a pu constater que l’image du métier était peu alléchante. Ainsi sur la fiche métier de Le Parisien-Etudiant, on lit que « le métier de cuisinier est assez exigeant. (…) Le cuisinier est souvent sous pression. Il doit donc posséder une bonne résistance physique et être capable de travailler dans le stress et dans l’urgence sans se laisser déborder. D’autant que le rythme de travail, en plus d’être intense, est également décalé. » Mais on peut se demander si ces conditions de travail sont une fatalité ou le résultat d’une politique globale et d’un conservatisme du milieu ?
L’Onisep, organisme qui oriente les jeunes, résume ainsi le métier de cuisinier : « Maître dans sa cuisine, le cuisinier choisit les produits, élabore les recettes et réalise les différents plats prévus au menu. Selon son lieu d’exercice, il travaille seul ou à la tête d’une équipe très hiérarchisée. Tous sont très recherchés ». Une vision qui pérennise l’idée un « pouvoir » de la cuisinière ou cuisinier, très fidèle aux codes militaires qui persistent encore en cuisine (la « brigade » plutôt que l’équipe de cuisine parce que l’organisation vient de l’intendance des armées en campagne). Mais au fond, la cuisine, même professionnelle, ne pourrait-elle être un lieu plus démocratique, plus participatif et pas forcément un endroit ou on exécute les ordres d’une seule personne ? Le « chef » disparaîtra-t-il un jour au profit d’un ou une pilote ou autre concept plus horizontal ?
En finir avec la gastronomie réservée à une élite
Cette vision du métier de cuisinier reste encore largement élitiste et liée à la « haute gastronomie » héritée du 19e siècle et qui a peu changé depuis (notamment la vision d’Auguste Escoffier). Dans son livre La clé anglaise, Géopolitique de la gastronomie française, Nicolas Chatenier et Laurent Seminel (ed. Menu fretin) s’intéressent seulement aux restaurant trois étoiles comme si la cuisine nationale propre à séduire hors des frontières se limitait à ces établissements et leurs chefs (souvent des hommes d’ailleurs). Il est peut-être temps d’élargir le regard…
Pourtant, Jean-Anthelme Brillat-Savarin, avait donné une définition bien plus large de la gastronomie, au 18e siècle : « la connaissance raisonnée de tout ce qui a rapport à l’homme, en tant qu’il se nourrit. Son but est de veiller à la conservation des hommes, au moyen de la meilleure nourriture possible ». Cette vision peut laisser entrevoir qu’un autre métier de cuisinier est possible, en particulier celle que propose l’Alliance des cuisiniers, association française donc Xavier Hamon est l’un des membres actifs.
Manifeste de l’Alliance des cuisiniers
Dans son manifeste d’une vingtaine de pages, l’Alliance des cuisiniers réaffirme le caractère artisanal (non industriel) du métier, avec la créativité qui l’accompagne, l’attention aux sens, l’intuition et l’expérimentation. Mais bien d’autres principes sont affirmés dans le Manifeste : le respect du vivant (s’adapter aux saisons, aux aléas des productions, faire avec des produits pas forcément calibrés ni standardisés..), le refus de la compétition entre personnes, entre restaurants, la fin de la dévotion au chef ou à la cheffe, le refus aussi de la violence et des coercitions qui accompagnent encore trop souvent les métiers de la cuisine, la pluralité des expressions, le changement des formations pour apprendre à travailler des produits « oubliés » mais savoureux et moins coûteux qui permettront à tous les publics d’accéder au « bien manger »… En ce sens, l’Alliance des cuisiniers est favorable au financement public de la cuisine artisanale pour permettre à la fois une juste rémunération des cuisinières et cuisiniers mais aussi un prix abordable pour le plus grand nombre.
