Dans cette séquence de géographie littéraire et poétique, Antoine Lauginie nous fait visiter les hautes terres du Massif central qui lui inspirent le même sentiment de plénitude que les côtes du Finistère : Lozère, Aveyron, Haute-Loire, Cantal, Corrèze… vers les hauts plateaux des Causses, de l’Aubrac, du Cézallier, de Millevaches ou vers ces monts aux formes amples, Margeride, Mont Lozère.

par Antoine Lauginie

Je voudrais vous embarquer vers les confins de la Lozère, de l’Aveyron, de la Haute-Loire, du Cantal et de la Corrèze… vers les hauts plateaux des Causses, de l’Aubrac, du Cézallier, de Millevaches ou vers ces monts aux formes amples, Margeride, Mont Lozère… ces hautes terres du Massif-Central qui ont pour moi le même pouvoir d’attraction que les rivages du pays d’Iroise.

Là aussi, un sentiment de plénitude qui vous vient d’un coup, porté par les grands horizons de ciels, de roches et d’herbes…

Comme pour la pointe du Finistère, je n’en suis jamais vraiment revenu depuis mes 17 ans et cette première traversée à pied des grands causses, marche prolongée d’année en année par des séjours réguliers sur le causse Méjean avec quelques amis essentiels, mais aussi par mes travaux de géographe sur les grands causses lozériens et aveyronnais, et, plus tard, par une année passée à Nasbinals au cœur de l’Aubrac lorsque j’enseignais au lycée agricole de la Lozère à Saint-Chély-d’Apcher.

Je pourrais dire comme Julien Gracq dans les Carnets du Grand Chemin qu’ « une attraction sans violence… » – Carnets du Grand Chemin – p.98

… « morceau de continent chauve…  tonsures sacramentelles» …

Pour moi l’image même du Causse Méjean, ce plateau calcaire d’altitude situé au sud de la Lozère. Bordé de falaises, entaillées par les gorges du Tarn, du Tarnon et de la Jonte. Il apparaît comme une île dans l’océan des hautes terres du Massif-Central. La société agro-pastorale a façonné là, avec l’élevage des brebis, un paysage unique aux vastes parcours de pelouse sèche qui donne au causse l’allure d’une petite mongolie…

→ Alors par les mots et la mémoire, Retour au Causse, extrait d’un petit livret que j’ai écrit et édité en 2013 – texte et photo de mon frère François…

→ Livret p.4 (Henri Pourrat – Gaspard des Montagnes)

→ Livret p.2 puis p.1

Le Causse, cet horizon immense que rien n’arrête, où nous devenons ivres d’espace et pris d’un vertige horizontal, notion étonnante inventée par Julien Gracq à propos du Cézallier (Cantal) et qui correspond bien à ce qui nous saisit sur ces plateaux d’altitude.

→ Gracq Carnets du Grand Chemin – Cézallier – p. 63

→ et ce qu’en dit Marie-Hélène Lafon, écrivaine née dans le haut Cantal où elle a grandit dans une ferme isolée au cœur de la Santoire et dont les livres sont nourris de ce vieux fond paysan d’où elle vient – Le Pays d’en Haut – p117.

… « Ils passent et nous restons »… comme ici sur les rivages atlantiques quand l’été finit.

Des hivers rudes et longs, une solitude tenace dans ces pays longtemps livrés à l’exode rural, villages désertés lorsqu’on traverse ces hautes terres en novembre.

Tellement d’étendue et de solitude qu’un autre vertige peut nous saisir…

→ Une inquiétude existentielle que Pierre Bergougnioux exprime dans un texte superbe, méditation philosophique née du versant sombre du plateau de Millevaches.

Pierre Bergougnioux – Millevaches

Montaigne dit que « Philosopher c’est apprendre à mourir »… pour Bergougnioux, il suffit pour cela de gagner la haute lande… alors on sait… sans avoir besoin de passer par le raisonnement.

Dans ces hauts pays, une présence du sauvage, une dimension qui excède assurément celle de l’homme. Ce que dit Marie-Hélène Lafon de façon plus quotidienne dans l’ouverture de son roman L’Annonce.

→ La nuit du Haut Cantal, la nuit à apprivoiser – L’Annonce p13 et p16

Ecriture magnifique. IL faut lire M.H Lafon (Histoire du fils…)

Finalement, une rudesse certaine, un monde réduit à l’essentiel et une beauté immense… c’est ce que je garde d’un hiver passé en Aubrac, à Nasbinals au cœur du plateau.

→ Livret Le chemin d’hiver – Aubrac – p 3 et 4

→ Quelque chose qui ressemble à la vie en hiver sur les rivages atlantiques et plus encore sur une île… quand les routes sont coupées par les congères… ou que le bateau de la Pen Ar Bed reste à quai…

Il y a en effet un lien avec ce Finistère où j’ai finalement choisi de m’installer. Une continuité, une proximité insoupçonnée. À priori.

→ Granit et forêts, vals perdus et routes très secondaires des monts d’Arrée ou des Montagnes noires.

→ Plateau des îles de Sein ou d’Ouessant, domaines du vent et du regard horizontal… îles en écho à mon plateau du Méjean, et jusqu’à l’herbe rase, aux moutons, aux murets et aux enclos de pierre.

Georges Perros a écrit depuis Douarnenez où il vivait :

« Si l’on me demandait comment est fait

l’intérieur de mon corps, je déplierais

absurdement la carte de la Bretagne » (Marines)

… pour ce qui me concerne j’ajouterai à la carte de Perros, la carte des hautes terres du Massif-Central avec l’étendue blanche et vide des Causses au pouvoir d’attraction sans pareil qui émerge de tout le vert de la carte… – seule la trace de rares routes et de quelques hameaux minuscules –

→ En Margeride, l’hiver, la neige et le vent à apprivoiser.

Martin de la Soudière – Poétique du Village. Chroniques de terrain d’un ethnologue en Margeride.

p. 78 – 81 – 90

Bibliographie de l’émission

Textes :

  • Carnets du Grand Chemin – Julien Gracq – Editions José Corti – 1992.

  • Retour au Causse – Antoine Lauginie (texte) et François Lauginie (photographies) – Editions Un lieu sur terre – 2013.

  • Le pays d’en haut – Marie-Hélène Lafon – Editions Arthaud – 2019.

  • Un peu de bleu dans le paysage (Millevaches) – Pierre Bergougnioux – Editions Verdier – 2001.

  • L’annonce – Marie-Hélène Lafon – Folio Gallimard – 2009.

  • Le chemin d’hiver, Aubrac – Antoine Lauginie – Editions Un lieu sur terre – 2012.

  • Poétique du village, rencontres en Margeride – Martin de la Soudière – Editions Stock – 2010.