Chaudron en tôle de bronze découvert lors des fouilles archéologiques réalisées de 2002 à 2005 à Kerboar (Côtes-d’Armor) par Yves Ménez, Muriel Fily et Maréva Gabillot. Photo Yves Ménez.

Muriel Fily est une archéologue spécialiste de l’âge du Bronze. Elle a commencé par étudier les très nombreux dépôts d’objets métalliques datant de cette période. Composés d’armes, d’outils ou d’instruments du quotidien, de lingots, ces amas – parfois très organisés – restent encore largement énigmatiques. 

Muriel Fily travaille pour le Centre départemental d’archéologie du Finistère situé au Faou 

En Europe, l’âge du Bronze s’étend de 2300 à 750 avant Jésus-Christ et est donc marqué par la métallurgie du bronze, alliage de cuivre et d’étain. Cette période laisse peu de traces dans le paysage contemporain, si ce n’est de petits tertres (tumulus) sous lesquels se cachent une ou plusieurs sépultures et qui sont souvent groupés (on recense plus d’un millier de ces monuments funéraires en Bretagne). Différents des grands monuments funéraires du néolithique, ils passent souvent inaperçus aux yeux des non-initiés.
Invisibles également, les dépôts d’objets métalliques qui ont été très nombreux à l’âge du Bronze. Muriel Fily – fascinée dès le départ par le travail du métal – a consacré sa thèse à ces dépôts métalliques et aux monuments funéraires dans le paysage en Bretagne.

Elle a notamment eu la chance de participer à la découverte d’un chaudron à Saint-Igeaux dans les Côtes-d’Armor. Autour de ce chaudron étaient disposés de nombreux fragments d’épées. D’autres dépôts semblent ainsi mis en scène et toute la question est de comprendre le « pourquoi » de ces dépôts. En outre, ils sont assez typiques de la période même si on connaît quelques dépôts de haches de pierre et si le phénomène existait aussi plus tard (à l’âge du Fer, chez les Romains ou les Vikings) ; c’est vraiment à l’âge du Bronze que le phénomène du dépôt métallique a pris de l’ampleur et s’est accéléré.

Les objets sont découverts en terre ou en milieu humide (tourbières voire lits de rivières). Il peut s’agir d’armes, d’outils (haches), d’éléments de parure (torques, perles, bracelets), de résidus de métallurgie (lingots de cuivre notamment), de pièces de char, de harnachement et même d’éléments de toilette (rasoirs, pinces à épiler). La plupart de ces objets sont en bronze même si parfois il y a aussi des lingots de cuivre et des objets en or. Et surtout il en existe des dizaines de milliers dans toute l’Europe.

Hypothèses sur l’origine des dépôts métalliques de l’âge du Bronze

C’est leur nombre qui a fait évoluer les hypothèses des archéologues quant aux explications de ces dépôts métalliques. Dans les années 1980, les chercheurs pensaient qu’il s’agissait de traces d’activité d’artisans métallurgistes itinérants qui refondaient les objets cassés et auraient laissé là une partie de leur matière première, ou les auraient oubliés … Mais est-ce crédible quand on connaît la valeur du métal à cette période ?

L’ajout de l’étain au cuivre a rendu le métal plus malléable et robuste. Le bronze est donc un matériau prisé qui va même redéfinir la société et la hiérarchie des riches et des pauvres (entre les régions et au sein même des différentes communautés). La Bretagne est non seulement bien pourvue en étain mais elle est également bien située sur les routes commerciales maritimes (notamment sur le passage des « fournisseurs » de cuivre : Angleterre, Irlande et Espagne). On peut donc parler de région fortunée à l’âge du Bronze.

Certains archéologues émettent d’ailleurs l’hypothèse que ces dépôts métalliques auraient été une démonstration de richesse : les possédants se seraient permis de gaspiller du métal pour faire comprendre l’ampleur de leur fortune. On peut aussi envisager que les enfouissements d’objets métalliques soient une forme d’épargne en prévision de temps plus durs, ou une manière de protéger sa fortune en cas de conflit, comme on enterre un trésor…

Muriel Fily pour sa part, penche plutôt pour l’explication rituelle. L’acte de déposer des objets métalliques aurait ainsi marqué un événement important dans la communauté ; chacun apportant son morceau de métal pour les divinités, pour marquer une étape de vie, pour s’attirer une victoire guerrière ou une bonne récolte.

On n’a pas encore identifié de « type de lieu » où sont placés ces dépôts (en hauteur, en vallée ou autre…) donc on ne peut pas imaginer de lien clair entre le site et le dépôt.

A Gouesnac’h, une fouille a mis au jour dans un même champ, cinq dépôts datant de la même période : un constitué de lingots bien rangés, les autres d’objets en vrac, certains usagés, d’autres jamais utilisés, d’autres cassés…d’où l’idée d’un rituel, qu’il soit d’ordre économique ou spirituel.

D’autres archéologues pensent plutôt que ces dépôts marqueraient les limites « spirituelles » de territoires, comme des frontières, et qu’ils étaient peut-être assortis de totems en bois qui n’ont pas été conservés.

Quoi qu’il en soit, ces objets métalliques apportent aux archéologues de nombreuses informations sur l’évolution des techniques de fabrication des armes et des outils.

Quant à la raison de leur existence : songeons à ce que les archéologues du futur pourront penser des pièces de monnaie que nous jetons dans les fontaines…

Un rappel : si vous possédez un détecteur de métal, vous n’avez pas le droit de l’utiliser pour rechercher des objets archéologiques. Si cela vous arrivait par accident, ne déplacez pas l’objet trouvé et prévenez vote mairie ou le centre départemental d’archéologie du Faou.