Elles sont les plus puissantes enchanteresses de toutes les Bretagnes : Ahès, fille du roi Conan Mériadec, premier roi mythique d’Armorique et Dahut, princesse de la ville d’Ys, cité engloutie en baie de Douarnenez.
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Du nom de la ville de Carhaix…
L’enchanteresse Ahès est la plus puissante enchanteresse de Bretagne. Elle est souvent confondue avec Dahut la fille du roi Gradlon, mais en fait elle était la fille d’un des premiers rois de Bretagne, Conan Mériadec, arrivé en Cornouaille. C’était une princesse choyée par son père qui la tenait enfermée dans son palais pour la protéger du monde extérieur.
L’année de ses quinze ans, elle parvient à s’échapper et se promène dans la ville que son père a fait construire pour elle : Carhaix. Ce nom de Carhaix viendrait de Ker-Ahes ou foyer d’Ahès en breton.
Découvrant le monde, tout l’émerveillait jusqu’à ce qu’un oiseau tombe mort à ses pieds. Elle ne savait pas ce qu’était la mort. Les gardes de son père la retrouvent et la ramènent au palais. Lorsqu’elle demande à ses serviteurs ce qu’était la Mort et qu’ils lui révèlent que tout le monde meurt un jour ou l’autre sans possibilité d’y échapper, elle est désespérée. Son père fera venir tous les magiciens de Bretagne afin qu’ils l’initient à la Magie. Cela lui permettra d’utiliser ses pouvoirs afin de piéger l’Ankou.
Son histoire se rattache à la tradition littéraire découlant de l’enfance de Bouddha lorsqu’il était encore le prince Siddhartha. Des récits de découverte de la mort par le fils ou la fille d’un roi surprotégé(e) qui entraîne une renonciation aux illusions du pouvoir terrestre ont été maintes fois repris par l’Église pour illustrer des sermons.
Les premières mentions littéraires d’Ahès apparaissent dans le roman d’Aquin qui date du XIIème siècle.
Y-a t’il un lien entre l’enchanteresse Ahès et Dahut, maîtresse de la ville d’Ys et toutes les deux princesses ?
… à la princesse maudite de la ville d’ys
Dahut est la fille du roi Gradlon de Cornouaille et d’une reine du Nord appelée Malgven ou Magven dont nous avons fait la connaissance la semaine dernière à l’occasion de l’émission sur la ville d’Ys. Cette dernière offre son trésor et son corps à Gradlon s’il tue son mari un vieux roi pétri d’alcool et de vices.
La princesse Dahut n’existait pas dans les premières versions de la légende de la ville d’Ys. Ainsi, dans la version de la fin du XIVe siècle, transcrite par le chanoine Moreau, seule la mauvaise conduite des habitants y était la cause du cataclysme qui engloutissait la ville. Alors d’où vient-elle cette princesse Dahut ?
Plusieurs éléments permettent d’échafauder une hypothèse cohérente.
D’abord le nom Ys viendrait de Keris qui signifie « ville basse » en breton et qui était accolé sans doute au nom d’une bourgade envahie par les eaux en baie de Douarnenez à la fin du Ve siècle, comme le montrent les ruines visibles à marée basse. C’est ce sobriquet de keris qui aurait donné le nom d’Ys. La princesse Dahut, absente des premières versions comme je l’ai déjà dit, n’apparaît dans la légende qu’à partir du XVIIème siècle avec la version des vies des saints de Bretagne d’Albert le Grand, religieux de Morlaix.
Il y a sans doute eu une confusion entre Ker-Ahès et Ker-Ys qui a fait que la princesse de la première ville finit par apparaitre dans la légende de la seconde.
Pour étoffer un peu ce personnage, les colporteurs de l’histoire reprendront à son sujet le schéma littéraire de la princesse qui fait tuer ses amants. Ce schéma remonte à la légende de Marguerite de Bourgogne (1290-1315), belle fille du roi de France Philippe le Bel.
Puisqu’un personnage de princesse fait son apparition dans le récit de la ville d’Ys, elle ne pourra être que la fille de Gradlon et, comme magicienne, c’est elle qui causera la perte de la ville d’Ys. A l’époque, nous sommes encore en période de chasse aux sorcières où toute femme pratiquant la magie fait nécessairement commerce avec le diable. C’est d’ailleurs à lui que Dahut remettra les clés des digues protégeant sa ville.
Et voilà Dahut telle qu’elle apparaît dans « La vie de Saint Gwénolé » d’Albert le Grand au XVIIe et telle qu’elle va rester jusqu’à nos jours.
Au final, Dahut serait donc simplement un avatar de l’enchanteresse Ahès. Ce qui expliquerait que les deux soient si souvent associées, voire confondues.