Sépulture antique le long de la via Appia Antica à Rome_ photo de Gianfranco-CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons
Notre série d’émissions sur la vision du corps humain durant l’Antiquité romaine – du IIIe siècle avant JC au IVe siècle après JC – se termine logiquement par la mort. Dans sa thèse, Pauline Huon s’est intéressée largement au sujet, de l’annonce du décès au souvenir des défunts, en passant par les soins au cadavre, l’exposition du corps, la crémation ou l’inhumation selon les époques.
Merci à la Société archéologique du Finistère pour son précieux concours.
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Dernier rite de passage et dernier état du corps, la mort est, chez les Romains comme dans toute civilisation, l’objet d’une attention particulière. Comme de nos jours, le corps du mort est à la fois répugnant et fascinant. Les défunts romains doivent en outre être convenablement « éloignés » des vivants, avec tous les honneurs qui leur sont dus, faute de quoi ils pourraient revenir hanter leurs proches.
Bien sûr, ce sont les plus nobles et les plus riches des citoyens qui bénéficient du plus grand nombre de rituels à leur décès. Les pauvres sont quant à eux enterrés le plus vite possible, sur la colline de l’Esquilin, dans des fosses communes. Un traitement minimal (saupoudrage de chaux) est cependant appliqué aux corps.
La mort se doit d’être annoncée ; on accroche une branche de cyprès ou de sapin à l’entrée du domicile, car ce sont des arbres qui, une fois coupés, ne renaissent pas. On annonce aussi la mort de manière sonore, par une musique bruyante et dissonante.
Les premiers soins au mort
Ce sont les femmes avant tout qui prennent soin des morts. Elles (mère ou épouse) recueillent l’âme du mort par un dernier baiser, avant de lui clore les yeux (oculus condere) qui sont le miroir de l’âme. Vient ensuite la clamatio : on crie fort le nom du mort à plusieurs reprises pour le saluer symboliquement mais aussi pour une raison pragmatique : vérifier qu’il ou elle est bel et bien passé/e de vie à trépas ! On placera aussi le corps sur les genoux pour l’observer et vérifier les signes mortuaires.
Viennent ensuite les soins qui précèdent l’exposition du corps, un traitement (toujours effectué par des femmes ou des esclaves) qui consiste à enduire le corps d’onguents pour lui donner une bonne odeur : parfums orientaux, myrrhes encens, cannelle, cèdre ou camphre ; il s’agit d’odeurs fortes destinées à couvrir celles de la putréfaction. Pour les plus riches, un bain de miel, antibactérien, pourra être effectué. Certains corps étaient par ailleurs saumurés. Après les soins, une pièce de monnaie est placée dans la bouche du cadavre pour permettre au défunt de payer à Charon le passage du Styx, fleuve des enfers. Les Romains ne pratiquent pas ou peu l’embaumement des corps
Suit enfin le maquillage qui simule de nouveau les signes de vie : lèvres rouges, joues roses. Et, toujours très importante pour les Romains, la tenue vestimentaire du corps est celle de la plus haute fonction occupée par le défunt de son vivant.
Cérémonies funéraires romaines
C’est d’abord une cérémonie domestique qui théâtralise le chagrin : les femmes de la maisonnée crient leur douleur, s’arrachent les cheveux, les enduisent de boue, les mères se griffent la poitrine et le ventre…
Ensuite le corps d’un notable romain est emporté au forum pour l’exposition publique, avec éloge funèbre et autres hommages rendus au disparu. Il arrive cependant que cette exposition publique du corps se retourne contre les personnages impopulaires, comme le père de Pompée dont le corps a été défiguré par la foule et suspendu à un croc.
Enfin vient le convoi funéraire (accompagné de pleureuses professionnelles) vers l’inhumation ou l’incinération, toujours en dehors de la ville. Sous la République, les Romains privilégiaient plutôt la crémation avant de se tourner davantage vers l’inhumation mais cela dépend des familles et des périodes. A l’époque des guerres civiles, on préfère la crémation pour éviter la profanation des corps.
Incinération ou inhumation
L’incinération relève de tout un processus ; le bûcher fait quasiment figure de dernière demeure à l’image de la gloire du mort, presque un palais s’il s’agit d’un empereur ; qui plus est, le bûcher se doit être efficace car tout le corps doit être incinéré, faute de quoi l’âme du mort pourrait hanter les vivants. On alimente le feu avec des offrandes, bijoux, cheveux, larmes. Ensuite on recueille les cendres et on les place dans la sépulture ; même les cendres doivent être recouvertes de terre.
Les nécropoles romaines, en dehors de la ville, sont parfois en bord de route, comme le long de la via Appia à Rome.
La famille du défunt reviendra régulièrement sur la tombe, fleurir et même verser parfums, boissons, nourritures par les conduits de libation qui mènent au cercueil ou à l’urne cinéraire, en particulier lors des parentalia (fêtes en l’honneur des ancêtres), une fois par an.