Photo de couverture : L’examen des photos aériennes prises par drones permet de repérer les traces des bâtiments antiques. Crédits : Ronan BOURGAUT et Ronan LOUESSARD, Centre départemental de l’Archéologie du Finistère
Après une pause de plusieurs décennies, les archéologues se penchent de nouveau sur l’exceptionnelle villa gallo-romaine de Saint-Frégant. Avec le soutien de la commune, du musée du Léon de Lesneven, le Centre départemental d’archéologie du Finistère a mené plusieurs prospections en préambule à une reprise des fouilles archéologiques.
Le Centre départemental d’archéologie sur le site internet du Conseil départemental du Finistère
La villa gallo-romaine de Keradennec sur le site internet de la commune de Saint-Frégant
Réécoutez l'interview de Ronan Bourgaut, directeur du Centre départemental d'archéologie
La villa gallo-romaine de Keradennec à Saint-Frégant est connue comme telle depuis le 19e siècle puisque ses ruines étaient bien apparentes. Un érudit local, Daniel Louis Olivier Miorcec de Kerdanet, avait étudié le site et consigné ses observations dans une publication. Considéré comme majeur, le site de 4 hectares avec encore des fondations de mur, quantité de pierres et de tuiles, a fait l’objet d’une première campagne de fouilles archéologiques méthodiques de 1968 à 1974 sous la direction de René Sanquer et Patrick Galliou.
Un volonté forte des élus locaux de valoriser la villa de Keradennec
Cécile Galliou, maire de Saint-Frégant, avec l’aide du musée du Léon et l’appui de la Communauté Lesneven Côte des Légendes, ont souhaité valoriser le site, désormais inscrit à l’inventaire des monuments historiques. La Drac de Bretagne a émis un avis favorable à condition que la commune achète les terrains et que des investigations archéologiques soient reprises. C’est donc le Centre départemental d’archéologie, en particulier son directeur Ronan Bourgaut qui coordonne ces études scientifiques.
Trois types de prospections archéologiques menées en 2021 sur le terrain
L’archéologue a d’abord analysé les vues aériennes prises par drone avec des technologies de traitement d’image qui permettent de détecter les traces des architectures antiques toujours visibles dans les champs. Pour obtenir davantage de détail sur ces traces, une prospection géophysique a été menée par Geocarta. Il s’agit de sillonner le terrain avec des capteurs de résistivité électrique des sols (tractés par un quad) ; la « réponse » du sous-sol permet d’identifier les pleins et les creux et donc de proposer un plan des structures enfouies sous terre. Enfin, une prospection pédestre classique, a consisté à arpenter les champs à la recherche d’objets et de poteries remontés par les labours.
Un site archéologique très prometteur et la seule grande villa connue en Nord-Finistère
Grâce à ces prospections, comme le supposaient les archéologues des années 1970, Ronan Bourgaut et son équipe ont pu confirmer l’ampleur exceptionnelle de cet établissement romain, situé le long d’une voie reliant la ville antique de Vorganium à la côte. Classiquement, ce qu’on appelle une « villa antique » est un ensemble en trois parties : la pars urbana, résidence privée du maitre, la pars rustica avec les bâtiments agricoles, résidences des ouvriers, et la pars fructuaria pour le stockage des récoles. La résidence est bien identifiée à Keradennec avec notamment de vastes thermes, une cour intérieure bordée d’une galerie ; en revanche, on connaît bien moins ce qui l’entoure…
Des bâtiments annexes, perceptibles par les prospections, sont probablement liés aux activités de ce très grand domaine agricole romain. La découverte de scories métalliques permet notamment de supposer qu’il existait une forge. La datation de villa de Keradennec, créée au 1er siècle ap. J.-C., a pu également être précisée, avec une occupation qui durerait jusqu’au 5e siècle. Les résultats sont autant d’arguments pour une campagne de sondages prometteuse au printemps 2022.
Le site, extrêmement fragile, n’est pas accessible au public. Mais il le sera à l’issue des études, dont nous reparlerons sur Radio Évasion.