Reconnu comme un auteur phare de la science-fiction, Philip K Dick a néanmoins une place à part. Associée (à tort ou à raison) à l’image d’un écrivain perturbé et drogué, son œuvre questionne sur notre rapport au réel. Je vous propose de faire plus ample connaissance.

 

​Aujourd’hui je vais vous parler d’un auteur maudit, l’auteur le plus adapté au cinéma mais qui ne verra aucun de ces films.

Aujourd’hui je vais vous parler de Philip K Dick.

Philip Kindred Dick et sa sœur Charlotte naissent le 16 décembre 1928 à Chicago.

Charlotte meurt de malnutrition le 26 janvier 1929.

Ce qui pourrait passer pour une « simple « conséquence de la pauvreté au sein d’une famille comme tant d’autres à l’époque aura des conséquences tout au long de la vie de Philip.

Alors qu’il ne devrait en avoir aucun souvenir – il n’a pas deux mois quand le décès survient – il ressentira constamment sa présence comme un double en lui.

Il parlera même d’une psyché autre que la sienne, celle de sa sœur.

La psyché désigne les éléments conscients et inconscients propres à chacun, l’âme en quelque sorte.

Il n’a même pas un an quand a lieu le crack boursier de 1929.

Mas durant sa prime jeunesse, il ne s’en rendra pas vraiment compte .

Il dira que la morosité ambiante était due ,je cite : au fait que toutes les voitures étaient noires …

Des problèmes psychologiques dès le plus jeune âge

Philip est très jeune quand ses problèmes psychologiques se déclarent, il n’a que 7 ans .

Ce qui va commencer a perturber son parcours scolaire, lors de sa 10 ieme année, il manque 1 mois d’école.

Difficultés qui ne l’empêche pas de faire ses propres découvertes, musicales d’abord avec une révélation en écoutant la 5 -ème symphonie de Beethoven.

Viendra ensuite la littérature non-mimétique .

D’après Gregor Tebicki , universitaire polonais, la littérature non-mimétique est une littérature qui ne se fonde pas sur une imitation de la réalité.

Définition récente et assez pertinente de la science-fiction.

Ce genre de lecture lui permet de s’echapper d’un quotidien parfois lourd a supporter.

Il vit seul avec sa mère divorcée et son agoraphobie de plus en plus marquée lui rend le monde extérieur inaccessible, voire hostile.

C’est avec les livres de l’univers du magicien d’Oz qu’il se fera les dents.

Et c’est vers 12 ans qu’il va s’attaquer à la science fiction, par le biais des pulps.

Ces magazines aux couvertures aux couleurs criardes et au papier de mauvaise qualité.

A leur âge d’or, ils étaient environ 150 a paraitre tous les mois !

Il y découvrira certains auteurs qui seront plus tard de grands noms de la sf : Heinlein, Asimov , Van vogt..

Cette même année, les Etats-Unis entrent en guerre contre les forces de l’axe, ce qui va marquer Philip.

Déjà que le monde en paix le met à mal, alors imaginer vivre dans un pays en guerre …

L’entrée en écriture de Philippe K. Dick

Malgré tout , il commence à écrire des petits textes au sein de la Berkley daily gazette .

A 14 ans, il trouve un petit boulot chez un réparateur de radio , où il restera pendant 8 ans.

Les années suivantes il frequente le lycée de Berkley de manière irrégulière à cause de son agoraphobie.

A 18 ans, il quitte définitivement le lycée.

Mais ça ne l’empeche pas de se cultiver pour autant .

Il va lire Maupassant ,Proust , Kafka, James Joyce et aussi Jung .

A dessein , car il suivra une psychothérapie auprès d’un analyste Jungien.

1947 verra  la rédaction de sa première nouvelle destinée à la publication, elle le sera en …1987

On ne peut pas forcément être bon du premier coup !

En 1948 il épouse Jeanette Marlin, il resteront ensemble pendant 6 mois …

En 1949 , il commence a suivre un cours de philosophie mais ses phobies le rattrapent et il doit y mettre un terme.

E n 1950 , il épouse Kleo Apostolides membre du part socialiste des travailleurs . Ce n’est pas un souci en soi sauf que le sénateur mac carthy commence a faire parler de lui et de sa haine viscérale du communisme.

La même année il commence un roman qui ne sera pas de la science-fiction.

Mais ça ,j’en reparlerais plus tard.

Il parvient a vendre ses premières nouvelles à partir de 1951 ,c’est à partir de ce moment qu’il se considère comme un « véritable » auteur.

En 1952, il écrit la nouvelle Nouveaux modèles qui sera adaptée au cinéma en 1996 sous le titre  Planète hurlante .

Cette adaptation sera la première d’une longue liste.

L’année suivante, 2 autres nouvelles sortent et elles aussi seront adaptées sur grand écran : Impostor et Paychek avec des fortunes diverses.

Impostor est un film a petit budget mais efficace , Paychek est une œuvre plus ambitieuse mais John Woo , le réalisateur est coincé par le studio dans les choix artistiques et n’est pas fan de Sf, un comble !

D’où un résultat moyen…

1954 voit l’achèvement de son premier roman loterie solaire : dans ce livre on découvre une société du 23 eme siècle où le maitre du monde est désigné par le biais d’une loterie …

Cette même année il se rend à la 12 eme world science fiction convention malgré son agoraphobie et se verra en quelque sorte adoubé par la communauté des auteurs professionnels de sf.

Toujours en 1954, il produit 28 nouvelles dont une d’entre elles sera adaptée sous le nom de l’agence en 2011.

De la question des drogues…

L’année suivante il va plus se tourner vers la rédaction de roman plutôt que de nouvelles .

Nouvelles qu’il écrivait a grand renfort d’amphétamines.

Philip  Dick a la réputation d’un écrivain drogué ,oui mais pas n’importe quelle drogues.

Parfois on lui attribue une consommation régulière et élevée de LSD.

Il n’a confirmé qu’une seule prise de cette substance, par curiosité semble-t-il… et aussi parce que c’était à la mode.

Non Philip lui c’est surtout les drogues « légales » ,un décontractant musculaire pour la tachycardie , des amphétamines contre l’agoraphobie et pour stimuler son cerveau.

Il en consomme des quantités industrielle et c’est sans grande surprise que mentalement et physiquement il en subit les effets.

Paranoïa aiguë, entre autre mais aussi des douleurs à la poitrine à 32 ans.

Mais sans que cela ne le fasse baisser sa conso.

C’est tout de même ironique, dans les années 50 la sf nous annonçait que nos repas mais pas que seraient constitués de pilules, c’était un peu le remède à tout …

En 1956 , il se consacre exclusivement aux romans , toutefois quelques nouvelles étaient restées dans les tuyaux ,comme par exemple minority report , adaptée par Steven Spielberg en 2002.

Le choix du roman au détriment de la nouvelle est surtout économique , à l’époque il touche 35 dollars pour une nouvelle alors que pour un roman il peut toucher 750 dollars et une pourcentage des ventes.

Il faut bien faire bouillir la marmite.

La littérature « classique » de Dick

Durant les années qui suivent il persévère dans l’écriture de romans non sf mais tous les manuscrits lui sont retournés par tous les éditeurs sollicités, prés de 25 !

Il en gardera un gout amer , il était persuadé de pouvoir percer dans le roman classique pour enfin s’échapper du carcan que représentait pour lui la littérature sf.

C‘est un peu résigné qu’il se remettra à la sf en essayant d’intégrer une partie « réaliste » pour en partie assouvir son rêve brisé.

Et c’est ainsi qu’en 1961 il commence l’écriture d’un roman qui va marquer un tournant dans sa carrière : le maitre du haut château.

Une uchronie.

Une uchronie est un récit de fiction qui se base sur des évènements passés qui n’ont pas suivi le cours qu’ont leur connais.

Dans le cas du maitre du haut château , ce sont les allemands et les japonais qui ont gagné la seconde guerre mondiale et qui se partagent les Etats-Unis.

Or, il existerait un livre , distribué sous le manteau , il est une véritable provocation pour les forces d’occupation, pourquoi ?

Parce qu’il raconte la victoire des alliés durant la seconde guerre mondiale.

Une véritable mise en abime, une uchronie dans l’uchronie.

En 1964 il ecrit les clans de la lune alphane qui met en scène sur une lune d’alpha du centaure où se trouve un hôpital psychiatrique dont les occupants sont livrés a eux même et qui s’organisent en fonction de leur pathologie.

Il sera aidé dans la rédaction de ce livre par sa connaissance intime de certains de ces troubles mentaux.

Comme dans un autre ouvrage, glissement de temps sur Mars , où l’on retrouve un jeune garçon autiste qui aurait un don de prémonition.

Ce sera un des grands thèmes de Philip K Dick : la perception de notre monde par un biais diffèrent

Lui-même affecté par des pathologies psychologiques , il pourra aisément retranscrire comment il appréhende « notre réalité »

1966 verra la naissance d’un des textes les plus représentatif de son œuvre : Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques.

Mais ça je vous en reparle un peu plus tard.

La même année , sort Ubik , a classer au même rang que Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques.

1972 sera une année compliquée pour Dick, après une tentative de suicide il se retrouve interné durant 3 semaines.

Point bénéfique, il en ressortira débarrassé de son addiction aux amphétamines.

L’année suivante, il commence l’écriture de substance mort , roman adapté lui aussi au cinéma en 2006 par Richard Linklater.

Le studio de cinéma United Artist achète les droits du roman les androides pour une adaptation au cinéma.

Hallucination

En 1974, encore sous les effets d’un anesthésique après une opération, Dick est sujet à une hallucination .

La Rome antique s’intègre à la Californie des années 70 et Philip devient Thomas un chrétien de l’époque.

Cet épisode hallucinatoire va durer près d’un an et laissera des traces.

Il couchera sur le papier tout ce qu’il ressentira et ce dont il sera « témoin »

Ce sera l’exégèse de Philip K Dick , un recueil qui commence en 1974 jusqu’à sa mort où il va relater toutes ses expérience et visions.

De puis sa jeunesse , il est passionné de philosophie et de théologie , cela lui permettra d’analyser ce qu’il lui arrive .

Il est aussi partisan du gnosticisme.

Le gnosticisme est un mouvement de pensée qui prétend que les humains sont des ames divines emprisonnées dans un monde matériel par un dieu mauvais : le Démiurge.

1977 verra Dick sortir des Etats-Unis pour se rendre au festival international de science-fiction  et de ‘l’imaginaire de Metz où il lira un texte sur son eperience de 1974 et de sa vision du divin.

En décembre 1980 on lui montre le scénario du film qui doit être adapté du roman , les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?

Et il ne l’aime pas ..du tout.

Une nouvelle version lui est proposée en Aout 1981 et il est emballé , de plus il a vu les premier effets spéciaux du film et il a apprécié.

En décembre 1981 il est invité a une séance cinéma privée pour visionner 20 minutes d’extraits.

Il en sort enchanté.

Pour la petite histoire, après la séance , il aurait dit : c’est une belle trahison…

Au sujet des adaptations des livres de Philip K. Dick à l’écran

Ce sera un éternel débat que l’adaptation d’un livre sur petit ou grand écran.

Ce qu’on y voit c’est la version du réalisateur et cette proposition ne sera forcement pas totalement en accord avec celle que l’on s’est faite.

Chacun a sa vision , quand on lit un livre on se représente avec plus ou moins de détail la scène qu’on lit , on imagine une ville futuriste , l’aménagement d’un vaisseau , l’aspect physique, la voix d’un personnage.

Et parfois le réalisateur a une vision proche de la votre ou une qui vous séduit .

Ce film qui a séduit Philip ,et qui est adapté du roman les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ,c’est Blade Runner.

Le film sort le 25 juin 1982 aux Etats-Unis.

Malheureusement Philip ne le verra pas , il décèdera le 2 mars.

Ses cendres seront enterrées auprès de sa sœur jumelle.

Celle auprès de qui il n’aura vécu que 10 mois  , celle qui l’accompagnera toute sa vie, celle qui l’aura hanté toute sa vie …

Philip K. Dick, sa vie, son œuvre….

Philip k Dick aura été un auteur prolixe, 45 romans et 120 nouvelles , il aura comme le dit une expression , eu le doigt sur le pouls de l’Amérique.

Bien qu’agoraphobe et donc peu enclin à sortir de chez lui, il aura une réelle acuité sur la société américaine d’après-guerre jusqu’aux années 80.

Ses accointances avec les milieux de gauche seront mal vus au temps du Mac Carthisme et de sa chasse aux sorcières.

De cette période a pu naitre un sentiment de persécution.

Sa paranoïa lui a inspiré des œuvres ou le totalitarisme est à l’œuvre comme dans radio libre albemuth

Philip K Dick a eu une réputation d’écrivain drogué ,comme si il ne devait son œuvre qu’à sa consommation de stupéfiants.

Or, c’est loin d’être le cas.

Oui il a ingéré une quantité astronomique de produits mais surtout dans le but de soigner ses phobies.

Il a consommé beaucoup mais alors beaucoup d’amphétamines , mais pour pouvoir tenir le rythme des parutions de nouvelles, il fallait bien manger.

D’après ses dires, il aurait consommé du LSD une seule fois  et pris une fois de la mescaline.

De plus lors de son séjour en hôpital psychiatrique , le médecin qui l’a examiné dira qu’au-delà de ses phobies , son esprit est vif et réactif.

Pour faire simple, il n’a pas besoin de drogue pour trouver l’inspiration.

Pour Dick , 2 questions vont guider ses œuvres :

Qu’est-ce qui est réel ?

Qu’est-ce qui est humain ?

Pour le paranoïaque qu’il était, c’était une question cruciale.

Ce qu’il voit est-il le vrai monde ou une projection de quelque organisme qui voudrait le manipuler ? comme dans le Truman Show librement inspiré de sa nouvelle le temps désagrégé

Les gens qu’il croise sont de simple quidam ou des acteurs voire des agents qui cherchent à lui nuire ?

Le monde n’est-il qu’une vaste simulation /extrait matrix

Sommes-nous tous des programmes au sein d’un vaste réseau qui cherche à nous endormir pour mieux profiter de nous ?

Sommes-nous tous comme dans une demi-vie, la mort est-elle bien réelle ou est-ce juste la délivrance d’un sommeil vers un état de conscience

totale ?

Une question traverse l’oeuvre de Dick : sommes-nous bien réels ?

La question du réel si elle est récurrente dans les romans, elle est particulièrement mise en avant pour ce qui des adaptations cinématographiques tirées de son œuvre.

Total recall, truman show,minority report, paychek, a scanner darkly, l’agence

Mais aussi pour les créations inspirées de l’univers dickien ,comme on dit

Ghost in the shell, existenz , eternal sunshine of the spotless mind, inception.

A plus ou moins grande échelle , la réalité est altérée ,que soit lors d’un rêve modifié ou par un souvenir corrompu.

La liste est longue des moyens déployés pour vous faire changer votre perception du monde.

L’autre grand sujet de réflexion de Dick : qu’est-ce qui est humain ?

La réponse à cette question est encore moins claire que pour la précédente.

Qui peut ètre qualifié d’humain ?

Déjà sur le plan physique, on dit quoi, 2 bras, 2 jambes, une tête ?

Ok, exit les manchots et les cul de jatte.

On va resserrer et on dit ,un humain est un être vivant présentant un ADN humain ,on est bien avancé ,sachant qu’on partage 98 /100 (environ ) de notre ADN avec les chimpanzés.

La marge de manœuvre se rétrécit beaucoup !

Bon on va dire qu’on part la dessus , et les greffés on en parle ?

Ils ont, si mes connaissances en médecine ne sont pas trop pourries, 2 ADN

Celui de leur conception et celui du greffon.

Si on part du principe que l‘on ne dispose pas tous d’un séquenceur génétique sur soi, c’est le physique qui va nous dire si on a faire à un être humain.

Et si l’humain en question est une très bonne reproduction synthetique ?

Philip K Dick a une solution pour faire le distinguo : l’empathie

L’empathie, c’est la capacité de chacun à « se mettre à la place de l’autre »

C’est-à-dire à être capable de s’identifier à l’autre par la perception de ses émotions

Tout le monde à des niveaux divers est empathique.

Empathie dont serait privée les intelligences artificielles.

Sauf que dick se met a mélanger les cartes et certaines machines s’en voit dotées ,voire même plus que certains humains.

Ce qui va donner un livre et aussi un film qui vont porter Philip à la postérité.

Mais ça je vous en parlerais plus tard.

En attendant je vous souhaite de bonne fêtes de fin d’année et vous donne rendez-vous dans un mois pour un nouveau numéro de Vous reprendrez bien un peu de science-fiction ?