Voilà donc vingt ans que le Civam, réseau de la paysannerie, s’est implanté dans le Finistère. Ses membres défendent une ruralité vivante, solidaire, et souhaitent voir fleurir et soutenir des fermes nombreuses, résilientes, autonomes et durables. Pour y parvenir, outre le conseil et les formations techniques, le réseau encourage les échanges de pratiques et les débats sur l’avenir de l’agriculture, comme il vient de le faire à l’occasion de cet anniversaire.
Emission mensuelle réalisée en partenariat avec le Civam Finistère
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Pour marquer ses vingt ans, le Civam du Finistère a organisé trois rencontres entre novembre 2021 et février 2022 sur trois thématiques qui permettent aux adhérentes et adhérents du réseau de réfléchir à l’avenir de l’agriculture.
La question du commun en agriculture
Premier sujet de réflexion, et c’est logique pour un réseau, le « commun ». C’est une notion qui exprime à la fois un fonctionnement ancien dans l’agriculture vivrière – des terres, pâtures, forêts qui appartenaient à l’ensemble d’une communauté qui en avait l’usage et les entretenait – et des organisations nouvelles. On pense par exemple à l’achat de terres agricoles par un ensemble de citoyens qui les louent ensuite à des paysans, pour favoriser les petites productions locales et respectueuses des milieux, comme le fait l’association Terre de liens par exemple. Le « commun » c’est aussi l’Amap (Association pour le maintien d’un agriculture paysanne) dans laquelle les citoyennes et citoyens pré-achètent les produits d’une ferme pour faire une avance de trésorerie. De même les magasins de producteurs sont un exemple à succès de ces collectifs agricoles.
Le commun doit être synonyme de solidarité avant tout, sinon il perd son sens, comme c’est le cas de ces grosses coopératives agricoles qui sont désormais gérées par des professionnels déconnectés de la terre et qui « confisquent’ finalement ces outils (les productrices et producteurs ne peuvent plus s’en libérer sous peine de se retrouver en dehors de tous les circuits de distribution). Le Civam invite à repenser les coopératives agricoles, leur taille, leur fonctionnement…
Ci-dessous, deux dessins d’Agnès Payraudeau, facilitatrice graphique de la séance.
L’évolution de l’agriculture
Le modèle industriel et intensif agricole mondialisé a montré ses limites : impact sur le changement climatique, sur la biodiversité, sur l’autonomie et la survie des petits paysans dans les pays en voie de développement, taux de suicide élevé en France… Un livre inspire les réflexions des membres du Civam : Reprendre la terre aux machines (ouvrage collectifs). Il ne s’agit pas de remettre en cause le machinisme agricole mais sa complexification ces dernières années qui a privé les paysannes et paysans de la possibilité d’intervenir sur ces machines… elles sont désormais fabriquées et entretenues par des entreprises qui sont surtout de grosses sociétés avides de profit ! Certes, il faut produire beaucoup pour « nourrir le monde » et ce n’est pas la seule agriculture bio telle que nous la connaissons qui y parviendra. Cependant, il est urgent de repeupler le monde agricole ; 20 % des fermes ont disparu depuis 2010 en Finistère (la surface agricole reste stable) et pour l’ensemble de la France, on est passé de 1,6 millions d’agricultrices et agriculteurs en 1982 à 400 000 aujourd’hui, une véritable saignée !
Si on veut conjuguer quantité suffisante pour l’autonomie alimentaire, qualité des produits et exploitation écologique des terres, il faut massivement installer des paysannes et paysans ; cela implique de la motivation pour un métier perçu comme difficile – mais qui l’est surtout quand on est seul… Il faut aussi repenser la formation agricole (car produire suffisamment, et en accord avec la nature requiert un haut savoir agronomique), la gestion du foncier et l’accès aux terres, l’aménagement du territoire, etc.
Des produits de qualité accessibles ?
Reste une question cruciale : comment garantir un revenu agricole suffisant sans pour autant exclure une partie de la population de l’accès à des produits de qualité ? C’était le thème du troisième débat des 20 ans du Civam du Finistère. L’organisation de l’aide alimentaire est à ce titre symptomatique : elle a été orientée vers la limitation du gaspillage et l’écoulement des surplus de production, sans considération particulière pour la qualité, les visions culturelles alimentaires, etc. Pour enrichir leur réflexion, les membres du Civam ont notamment parcouru Où va l’argent des pauvres : fantasmes politiques, réalités sociologiques de Denis Colombi.