L’Année de la gastronomie française a été lancée en septembre 2021 et s’étirera jusqu’en 2024. Un rapport parlementaire a été publié à cette occasion. L’Université des sciences et pratiques gastronomiques de Quimper revient sur les constats – partagés – de ce rapport et s’inquiète des orientations que pourrait prendre la politique gastronomique française.
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Une fois par mois dans Lem, on s’installe à la table de l’Université des sciences et pratiques gastronomiques (USPG) pour s’interroger sur la cuisine, l’alimentation au sens large, de la production à la dégustation… comme phénomènes sociaux, environnementaux, économiques.
En septembre 2021, le Président de la République a lancé l’Année de la gastronomie française qui devrait en fait se prolonger jusqu’en 2024. C’est à cette période également qu’est sorti le rapport des députées Barbara Bessot-Ballot et Annaïg Le Meur sur l’organisation et les enjeux de la gastronomie et de ses filières. Le contexte était alors le plan de relance et le constat que, pendant le confinement, beaucoup s’étaient tournés vers les circuits courts et la production biologique (depuis, le phénomène est retombé, notamment à cause de l’inflation et du coût de l’énergie qui tend à réduire le budget alimentaire).
En finir avec une conception élitiste de la gastronomie
Quoi qu’il en soit, le rapport a eu le mérite d’établir un état des lieux exhaustif sur la gastronomie en France, constat que partage largement l’USPG : la crise des vocations dans les métiers de la restauration, mal considérés et mal perçus, les nouvelles pratiques de restauration et de consommation alimentaire qui semblent menacer le modèle alimentaire français (fast-food, vente à emporter, produits ultra transformés), l’image d’une gastronomie française considérée comme conservatrice et rigide dans ses recettes comme dans ses pratiques. L’USPG note cependant que le mot « gastronomie » revient maintes fois dans le rapport, celui de cuisine nettement moins… Pour Xavier Hamon, c’est un point de vigilance car la gastronomie a jusqu’à présent été surtout associée au « haut de gamme » et considérée comme une « vitrine de la France vis-à-vis de l’étranger ». La politique gastronomique française dépendait d’ailleurs jusqu’à présent du Ministère des affaires étrangères, et du tourisme en particulier. Or, ce que souhaitent l’USPG et l’Alliance des cuisiniers « slow food », c’est bien qu’on permette à toutes et tous de se réapproprier la nourriture de qualité, la cuisine, les produits, etc. au plus près de chez soi, dans tous les territoires français.
Des inspirations pour la France : New nordic food et cuisine italienne
Le rapport cite d’ailleurs en exemple deux cuisines qui ont su rester ou redevenir vraiment populaires et partagées largement sur leurs territoires d’origine, puis à l’extérieur : le mouvement « New nordic food » a revalorisé des produits et des techniques de transformation locaux et a su sensibiliser la population, non seulement nordique mais mondiale, via des événements ou avec l’aide d’influenceurs web.
La gastronomie italienne se taille aussi une part du lion sur la scène culinaire mondiale, parce qu’elle a su s’appuyer sur des produits bruts, frais simples, des recettes faciles à reproduire et exporter.
Certes, ces cultures culinaires sont désormais perçues comme « concurrentes » de la France mais l’Université des sciences et pratiques gastronomiques estime surtout qu’on devrait s’inspirer de ces exemples pour l’appliquer à la cuisine française.
Des idées à suivre … ou pas, pour célébrer la cuisine française
Le rapport de l’Assemblée nationale note l’échec des « Cités de la gastronomie » qui auraient dû mailler le pays et dont seule celle de Tours tient bon. Pas étonnant selon l’USPG quand on considère le modèle sur lequel elles ont été conçues : des vitrines diplomatiques un peu clinquantes, davantage que des lieux où chaque gourmette ou gourmet sentirait son goût et sa curiosité stimulés, à son aise quel que soit son niveau de vie…
Plusieurs pistes proposées par le rapport sont saluées par l’USPG : une coordination entre les différents ministères concernés par la gastronomie – des Affaires étrangères à la Transition écologique, en passant par la Santé, l’Education nationale ou la Culture – pour définir une politique transversale. Une prise en compte des nouvelles attentes des consommateurs (désireux d’assiettes moins riches, moins sucrées, sans doute moins carnées et davantage végétalisées), une accélération de la transition vers une gastronomie responsable, en encourageant les professionnels engagés dans ces démarches, par exemple en réduisant leurs charges, en rendant obligatoires les formations à l’éco˗responsabilité dans les formations aux métiers de la restauration.
Les phases 3 et 4 de l’Année de la gastronomie semblent aller dans le sens de l’USPG : l’appel à projets lancé pour le printemps 2022 porte sur une gastronomie accessible et inclusive et l’été 2022 sera ciblé sur la mise en valeur des territoires. Affaire à suivre donc.