Le long de son premier album, Couleur de ma peine, Zamdane raconte son histoire d’immigré marocain installé à Marseille. Il s’est fait la main en sortant plusieurs mixtapes, pour arriver à l’aboutissement de cet album.

Priorité à la tranquillité

Zamdane est Marocain, il a grandi à Marrakech, et depuis tout petit il adore parler français. Son père travaille dans le tourisme, il parle une dizaine de langues. Alors le petit Zamdane prend exemple, il ne connaît pas autant de langues que son père, mais dès qu’il en a l’occasion, il discute avec les touristes français. À ce moment-là, il est bien loin du rap français, il entend vite fait passer les gros titres, des Booba et des La Fouine, mais pas plus. À 17 ans, il rejoint la France, sur un coup de tête. Il s’installe dans la zone commerciale au nord de Marseille, et il commence des études à Istres. C’est à ce moment-là qu’il découvre un nouveau rap, porté par le collectif de L’Entourage, et par les sessions Grünt. Et il se prend vite au jeu. Il commence à s’inscrire dans des open-mic. Alors pour nos auditeurs qui ne sont pas habitués à ce jargon du rap, un open-mic c’est une scène ouverte, où n’importe qui peut venir et rapper ses chansons pour se faire connaître, se faire repérer, ou juste faire des rencontres. Ça permet à Zamdane de rentrer dans ce milieu du rap marseillais. Il finit par sortir le single qui le fera connaître, Favaro. Les labels commencent à toquer à sa porte et à agiter leurs gros chèques pour le récupérer dans leur écurie. Mais Zamdane est attaché à sa liberté et à sa tranquillité. Il veut prendre son temps, il choisit de rester indépendant et il commence à enchaîner les EP et les mixtapes. Deux projets en 2018, un en 2019, un en 2020, un autre en 2021. Entre temps il monte son label, Affamé Records, et il finit par se décider à sortir un premier album.

« J’ai la même vie, à la différence que j’ai un visa »

Marseille c’est sa deuxième ville après Marrakech, aujourd’hui, il se sent vraiment intégré à la ville. Il se considère comme un vrai rappeur marseillais, autant qu’un Jul ou un SCH. Il a déclaré son attachement à la ville en faisant des concerts sauvages dans les rues de Marseille. Il a aussi soutenu une association basée à Marseille. SOS Méditerranée, qui fait des missions de sauvetages pour aider les réfugiés en danger dans la Méditerranée. Il se reconnaît énormément dans ces gens-là, dans Boyka, il dit « j’ai la même vie à la différence que j’ai un visa ». Il a donc entamé une levée de fonds, l’objectif, réunir 14 milles euros, soit le prix d’une journée de sauvetage en mer. Il a commencé par ouvrir une cagnotte et a déjà réuni 5000 € de dons, sans rien vendre. Ensuite, il est allé vendre des t-shirts en mettant un stand sur le Cours Julien. Et il a fini par faire un concert avec des invités du milieu du rap, comme Luv Resval, La Fève ou Jäde. Ce sujet de l’immigration lui tient beaucoup à cœur, vu qu’il l’a vécu, et il est très présent dans l’album. Mais l’album, c’est une façon de fermer cette boucle et de commencer autre chose, il aimerait parler d’autres choses plus tard. Zamdane a ramené trois invités sur son album, trois acteurs importants de la scène rap française. Dinos, qui est assez proche de Zamdane dans le côté introspectif de leur rap. Soso Maness, pour une connexion bien marseillaise. Et Jazzy Bazz, si vous êtes assidus dans Sonar vous le connaissez, Zaccari a chroniqué son album Memoria. C’est une façon de boucler la boucle en invitant un membre de ce mouvement qui a fait aimer le rap à Zamdane. Même en partageant le micro avec ces artistes, Zamdane n’a qu’un seul modèle dans le rap, et c’est PNL. Il suit la lignée de leur mentalité de totale indépendance, de tout faire tout seul. Et il a même travaillé avec leur beatmaker BBP sur certains titres, dont Flouka, qui raconte l’histoire d’un immigré clandestin.