Pour être écologiquement et économiquement viables, les petites exploitations agricoles doivent pouvoir faire jouer la complémentarité entre élevage et cultures. C’est le cas par exemple de la ferme de Trezma à Kerlaz. Cependant, les normes de biosécurité de plus en plus strictes, adaptées à l’agriculture industrielle, freinent ce modèle.

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Retrouvez la ferme de Trezma aux halles de Douarnenez

Depuis 7 ans, Gilles Jacob et sa compagne Alice Blaimont sont installés en polyculture polyélevage à Kerlaz : poules pondeuses, brebis viandes, maraîchage, vergers, et la culture de céréales et légumineuses, sans oublier une maison partiellement en colocation, autre source de revenu qui leur permet de vivre à deux sur l’exploitation. Quand ils se sont installés, le couple disposait d’un apport financier qui lui ont permis d’acheter la ferme (et les prix du foncier agricole étaient plus raisonnables pour l’installation à l’époque).

Complémentarité des ateliers de production agricole

Dès le départ, le couple envisageait un projet mixte, avec de l’agroforesterie qui joue la complémentarité entre les animaux et les arbres. Gilles et Alice ont d’abord commencé sur 2 hectares avec l’aide de Breizh bocage pour reconstituer des haies et réimplanter des prairies. Ensuite, ils ont racheté des terrains voisins pour cultiver céréales et légumineuses pour les poules (ils produisent ces aliments en autonomie et en vendent même un peu aux voisins) ; ils se sont mis à la greffe de fruitiers pour développer les vergers-prés où les brebis pâturent (aujourd’hui une trentaine de mères et une quarantaine d’agneaux pour arriver à un maximum de 80 brebis à terme). Un peu de maraîchage complète cette activité. Et la transformation des fruits qui ne sont pas consommables entiers. Pour l’instant, toute leur production est vendue aux halles de Douarnenez le samedi matin. Même s’ils ne sont que deux, Alice et Gilles parviennent à se ménager du temps libre. Ils feront en sorte de ne pas augmenter trop leur échelle de production pour ne pas accroitre la quantité de travail (réécouter l’émission sur ce sujet)

La ferme de Trezma est donc très autonome ; une ETA (Entreprise de travaux agricoles) intervient pour semer les céréales, mais sinon le couple se contente de très peu de matériel et autres intrants (pas d’engrais de synthèse ni de produits phytosanitaires, pas d’aliments pour le bétail à acheter, seulement quelques semis d’engrais verts). La multiplicité des productions permet de faire face à d’éventuels aléas liés à la météo. S’ajoutent à ce système la mutualisation de quelques outils et des couveuses pour poussins avec les voisins, une clientèle fidèle et qui peut comprendre le rapport qualité/prix, et d’éventuelles hausses de prix, les colocataires qui travaillent dans le milieu culturel et leur permettent d’éviter l' »isolement paysan »… on peut dire que la ferme de Trezma a su trouver son équilibre.

Entre pratiques ancestrales et savoirs contemporains

Ce modèle est certes inspiré du passé : races animales rustiques adaptées au climat breton, la pratique en autonomie des greffes et boutures, de la reproduction des animaux, les haies (utilisées aussi pour fabriquer des outils, pour le chauffage ou les tisanes et en protection de la biodiversité et du bétail), retour à des parcelles plus petite, vente au marché, échelle familiale…

Mais il fait aussi appel à des pratiques agricoles très contemporaines et techniques : couverts d’engrais verts, plantes bio-indicatrices révélatrices de la nature du sol (permet d’adapter la fonction de chaque parcelle) , utilisation de nouveaux outils (Atelier paysan), bien-être au quotidien, ergonomie des gestes, organisation du travail …

Alice et Gilles apprécient d’ailleurs les multiples formations proposées par les différentes structures comme le Civam.

Biosécurité et petites fermes en polyculture et polyélevage

Le Civam suit de près les projets d’AEP (Agriculture écologiquement performante) des différentes exploitations de son réseau : mise en avant d’un savoir-faire paysan, valorisation de savoirs locaux appuyés sur l’observation, l’expérimentation. Par exemple, dans une ferme de transformation laitière, il peut être intéressante d’utiliser le petit lait (sous-produit de la fabrication de fromage) pour nourrir les cochons (en ajoutant des céréales).

Cependant récemment, les épizooties de type grippe aviaire et grippe porcine ont entraîné un renforcement de la réglementation dite de « biosécurité ». Les exigences pour maintenir des animaux en plein air nécessitent de gros investissements, hors de portée des petites exploitations. Ces dernières ne peuvent plus faire jouer cette complémentarité entre certains élevages et les cultures végétales, ce qui complique la vie des fermes en polyculture et polyélevage. Le problème c’est que les espèces rustiques qu’elles maintenaient – espèces inadaptées à de grands élevages intensifs – risquent de disparaitre et l’équilibre de ces petites fermes est menacé…Le Civam et ses partenaires demandent une adaptation des normes de biosécurité selon les échelles de production.