Photo de couverture : vestiges du hameau médiéval du Goënidou, à 4 km de l’abbaye du Relec (Plonéour-Menez) qui possédait des terres à Berrien.

Pendant cette longue période que fut le Moyen Âge, à quoi ressemblaient vraiment les campagnes où vivait neuf personnes sur dix ? Comment y vivait-on ? Quelles évolutions les ont marquées ? Yves Coativy, président de la Société archéologique du Finistère et historien médiéviste nous plonge dans le milieu rural médiéval.

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Yves Coativy, président de la Société archéologique du Finistère

Nous avions exploré les villes médiévales lors d’une précédente émission mais seule une personne sur dix y vit à la fin du Moyen Âge. L’essentiel de la population est implantée à la campagne, où on se nourrit directement de la terre. L’agriculture médiévale est essentiellement vivrière, les rendements sont faibles et, à la fin de la période (14e siècle), on produit seulement 10% de surplus, qui alimente les villes.

La paysannerie médiévale est cependant diversifiée. Le servage, héritier de l’esclavage antique et qui consiste à « lier » un paysan à la terre et à son seigneur, en lui interdisant de se marier et en le soumettant à des corvées, disparaît peu à peu, car finalement les serfs produisent bien peu. Les nobles qui possèdent la terre ont tendance à « intéresser » progressivement la paysannerie en monnayant sa liberté, en lui allouant une terre à cultiver librement, moyennant une partie des récoltes (auxquelles s’ajoutent diverses taxes), en échange d’une protection. De fait, un paysan peut hériter d’une ferme et de ses terres… on peut donc estimer qu’il en est propriétaire, même s’il est implanté sur le domaine d’un seigneur ou d’une abbaye.

Des manouvriers aux métayers

Au plus bas de l’échelle sociale agraire, se trouvent ceux qui louent leurs bras et ne possèdent rien : manouvriers et brassiers qui vivent dans un grand dénuement. Mais on peut aussi s’enrichir en travaillant la terre. Il existe ainsi des paysans qui travaillent les terres de la réserve seigneuriale, les métayers, et ils sont pour cela exemptés d’impôt. Or, cette exemption est l’une des qualités de la noblesse ; tout comme la fortune (les métairies sont de belles bâtisses en pierres) et la proximité des puissants. Si ces métayers sont en plus recrutés à l’occasion par leur seigneur comme gens d’arme pour quelque guerre, ils finissent par afficher toutes les prérogatives des nobles et deviennent, de fait, aristocrates. On peut parler de notables ruraux. Certains prélèvent en outre les taxes au profit du seigneur auquel ils avancent l’argent avant de se financer sur la paysannerie ordinaire (avec un surplus bien sûr). Ces métayers sont d’ailleurs l’objet de la vindicte populaire.

L’église, fédératrice des populations rurales

La société rurale médiévale s’est par ailleurs christianisée rapidement et la religion structure les relations sociales. Des seigneurs ecclésiastiques – souvent plus durs que les laïcs – possèdent aussi des terres à l’instar des abbayes, des commanderies templières puis hospitalières (comme à La Feuillée). Mais c’est davantage la paroisse qui fédère les populations. On se retrouve le dimanche dans son église ou celle de sa trêve si la paroisse est trop grande. Les fêtes religieuses, en écho aux événements agraires, rythment la vie de la société paysanne du Moyen Âge.
On se retrouve aussi autour des communs (troupeau communal de vaches ou de moutons qui pâture dans la forêt). On se croise enfin aux incontournables équipements comme le four ou le moulin (banal) qui appartiennent au seigneur et que chacun est contraint d’utiliser contre une redevance, de même qu’un éventuel taureau ou verrat banal, seul habilité à féconder les femelles.