Même si l’agriculture biologique traverse une crise passagère, ses actrices et acteurs sont convaincus de son importance et de sa pérennité. Jusqu’à tenter de construire des filières complètes en Bretagne, comme celle du blé tendre pour le pain et les pâtes.
Deux adhérents de la Maison de l’agriculture biologique, Yves Canévet gérant de la meunerie boulangerie bio Canévet et Nicolas Balanant gérant des Biocoop de Plougastel-Daoulas et du Relecq-Kerhuon
Retrouvez régulièrement la Maison de la bio du Finistère dans Lem
Réécoutez l'émission
Une filière agricole rassemble tous les maillons de la chaîne d’un produit, de la fourche à la fourchette : production, transformation, distribution. L’échelle de la filière peut être plus ou moins vaste (le monde, un pays, une région voire un département) et peut compter plus ou moins de maillons et d’intermédiaires, selon si l’on inclut les fournisseurs, leurs fournisseurs, d’autres intervenants « annexes ». Disposer d’une filière locale complète peut être intéressant pour économiser de l’énergie (moins de transports), garder sa « souveraineté » sur un produit (ne pas dépendre d’une situation géopolitique tendue par exemple), créer de l’emploi localement, permettre aux maillons de la filière de travailler plus efficacement ensemble, éviter des gaspillages, rassurer les consommatrices et consommateurs qui ont davantage confiance dans les produits locaux, etc.
La Bretagne s’est spécialisée notamment en légumes (en agriculture conventionnelle) ou encore en porcs mais si on tient compte du fait que l’alimentation des animaux vient du Brésil, on peut considérer que cette dernière filière n’est pas complète.
Des filières agricoles bio en Bretagne
En Bretagne, et même en Finistère, on peut parler de filière bio pour la viande de boucherie grâce à l’association BVB. Les Biocoop de Plougastel-Daoulas et Le Relecq-Kerhuon parviennent à se fournir en diverses viandes produites localement, grâce notamment à la présence d’un abattoir au Faou et d’une grande diversité d’élevages bio en Finistère ou dans les départements bretons voisins. Si le prix en bio est plus élevé (ce n’est pas toujours le cas) c’est pour rémunérer au juste prix les productrices et producteurs. Les Biocoop discutent rarement les prix des produits qu’on leur propose. Cependant en ce moment, la situation est difficile et le marché se réduit. Les distributeurs sont contraints de renforcer leur communication pour convaincre leur clientèle de s’orienter vers les produits bio de qualité, en particulier la clientèle la plus récente, celle qui s’est tournée vers la bio pour des raisons de santé davantage que parce qu’elle était convaincue de tous les enjeux climatiques ou sociaux.
Une filière blé tendre biologique en Bretagne
Malgré un contexte difficile, Yves Canévet participe à la naissance d’une filière bio de blés tendres pour le pain ou les pâtes, cultures jusqu’à présent absentes en Bretagne. Le blé qui pousse dans nos champs bretons est généralement destiné à l’alimentation animale. La culture du blé tendre est réputée plus difficile dans une région où les pluies sont fréquentes… Pourtant, plusieurs transformateurs comme la meunerie-boulangerie Canévet ont convaincu des agricultrices et agriculteurs de tenter l’expérience du blé de qualité, en Finistère et en Ille-et-Vilaine. Depuis 4 ans, l’expérience fonctionne bien et, avec l’aide de la sélection des variétés, le blé tendre pousse très bien en terre bretonne. Reste à organiser les autres éléments de la filière : les équipements pour stocker et nettoyer le blé.
Consommer uniquement local en Bretagne ?
Les distributeurs spécialisés en bio comme les Biocoop ne peuvent que saluer ce type d’initiatives et en espèrent d’autres ; la filière légumes bio aurait par exemple besoin de davantage de transformation locale. En viande, la région manque encore d’ateliers de transformation boucherie. D’ici quelques années, nous aurons peut-être une filière viticole en Bretagne… On pourrait consommer totalement local ou presque à l’échelle de notre région où les productions sont très variées. Pour économiser l’énergie et limiter le changement climatique il faudra certainement revoir notre alimentation et sans doute renoncer à certains produits qui ne poussent pas chez nous.
En outre, d’autres filières tentent de (re)naître en Bretagne, hors alimentation, notamment en lin textile.