Lors d’une fouille exceptionnelle à la pointe du Guet d’août à novembre 2022, les archéologues du Département du Finistère ont mis au jour une nécropole mais aussi de très nombreuses céramiques du 1er au 3e siècle après JC. Ils nous décrivent leurs découvertes et leurs hypothèses quant à l’histoire antique de Douarnenez.

Le Centre départemental d’archéologie du Faou sur le site internet du Conseil départemental du Finistère

Réécoutez l'interview de Ronan Bourgaut et Yoann Dieu archéologues antiquisants pour le Conseil départemental du Finistère

À l’occasion d’un projet immobilier d’ampleur, le Centre départemental d’archéologie avait réalisé en 2021,  un diagnostic dans le cadre de l’archéologie préventive, à la pointe du Guet face à l’île Tristan à Douarnenez. L’archéologue Dimitri Simon avait alors mis au jour des vestiges prometteurs qui justifiaient une fouille archéologique.

D’autres traces de l’antiquité émaillent le territoire, du 1er au 3e siècle après JC : le monument de Trégouzel, probablement un temple et sans doute un amer aussi ont été étudiés encore récemment. Une villa – ou en tout cas des thermes – a été partiellement fouillée du côté du Ris. D’autres vestiges funéraires et des statues (Hercule, Neptune) ont aussi été trouvés. On sait surtout que Douarnenez était un haut lieu de production de garum, un condiment à base de poisson fermenté (sardine notamment) très prisé des Romains. Une vingtaine d’ateliers de garum sont connus dans les environs, celui des Plomarc’h étant le plus visible puisqu’il est valorisé. Près de la pointe du Guet, sur le site de l’ancienne conserverie Audren, on avait déjà découvert des vestiges de 8 cuves à garum lors de la construction des HLM dans les années 1980. Un centre de secours, une salle de boxe, un centre nautique étaient venus compléter l’ensemble et seront rasés pour le nouveau projet immobilier.

De nombreux détritus antiques et une nécropole avec un beau mobilier

C’est à cet endroit donc que les fouilles archéologiques ont été menées, également par le CDA sous la direction de Yoann Dieu, entre août et décembre 2022, au 55 rue Ernest Renan à Douarnenez (présumée voie gallo-romaine). Sur une surface exceptionnelle (5500 mètres carrés), les archéologues s’attendaient à trouver d’autres cuves à garum ; ils espéraient aussi trouver des preuves formelles d’habitat qui auraient confirmé l’hypothèse qu’il existait bien sur le site de Douarnenez une véritable agglomération.

Finalement, ni cuves ni trous de poteaux signalant de l’habitat mais de belles découvertes malgré tout. En plus des traces d’un parcellaire (champs, ateliers d’artisans, voies ?) et d’un four en tuiles romaines, les archéologues ont découvert une nécropole, vraisemblablement en bord de voie antique. Parmi la vingtaine de tombes, deux sont particulièrement intéressantes. La plus ancienne semble être un « mausolée », de forme circulaire, dont il subsiste un socle en pierres et qui était sans doute un tertre (mais pas de mobilier, la fosse ayant été pillée dès l’Antiquité avec quelques pièces du squelette encore conservées). L’autre tombe intéressante avait été creusée parmi d’autres mais elle s’est révélée particulièrement riche en mobilier archéologique : outre les clous du cercueil, les archéologues y ont trouvé un petit vase en sigillée, un gobelet et une fiole en verre presque intacts, et un collier de perles de verre et de jais (semi précieux) ; aux pieds de la tombe : un miroir en étain, deux bracelets en bronze, un autre en lignite ou jais, d’autres perles et un amas de clous, ceux des chaussures du défunt, restés en place (les autres matériaux, organiques, ont disparu) et qui ont permis d’évaluer la taille de ces chaussures. Combinée avec les dimensions de la fosse, cette indication laisse clairement penser qu’un enfant était enterré là, donc sans doute d’un statut important. D’autres éléments (clous, fibules) ont été trouvés dans les autres tombes (photo ci-dessous – la tombe et son mobilier – photo de Yoann Dieu).

Dans les fossés, les archéologues ont mis au jour les « détritus » d’une époque plus ancienne – entre le 1er et le 3e siècle – composés de très nombreux tessons de céramiques, beaucoup de clous, des morceaux de verre (et quelques vases entiers qui pourraient être des vases d’incinération). Leur présence témoigne d’une occupation domestique importante antérieure à la nécropole qui pourrait s’interpréter ainsi : à la fin de l’Empire romain, une crise économique et politique entraînait partout en Europe le resserrement des villes ; on peut donc supposer que la ville, si elle a concerné aussi la pointe du Guet, s’est ensuite rétractée, laissant place à la nécropole (les tombes romaines étaient situées en dehors des villes).

Le mobilier et les échantillons issus de la fouille sont désormais en cours d’analyse. Ils parleront davantage dans quelques mois.