A travers leur musique, Combo Chimbita parle des angoisses du racisme systémique, de la décadence capitaliste, des gouvernements totalitaires et de la tentative d’effacement des êtres queer et trans. 

Apparemment à Radio Evasion on ne s’est toujours pas remis des Transmusicales de Rennes (ou on est tout simplement un tout petit peu à la bourre :), car voici la chronique sur le groupe Combo Chimbita qu’on a pu découvrir au festival en décembre.

Qualifié par la radio américaine NPR de “présence d’un autre monde”, Combo Chimbita c’est Carolina Oliveros a la voix, Niño Lento es Fuego a la guitare, Prince of Queens à la basse et Dilemastronauta a la batterie. Ensemble, ils subliment les concepts de temps et de nationalité. Dans le cadre de cette vision intemporelle et sans limites, leur dernier album sorti en Janvier, IRÉ, trouve son étincelle de ralliement dans les réalités convulsives d’aujourd’hui. IRÉ parle des angoisses du racisme systémique, de la décadence capitaliste, des gouvernements totalitaires et de la tentative d’effacement des êtres queer et trans. 

Ces thèmes sociaux sont super importants pour le groupe et ça s’entend musicalement. Leur énergie peut être si intense qu’elle en devient presque épuisante. Combo Chimbita est un groupe de musiciens dynamiques et leur troisième album, IRÉ, rend fidèlement la puissante présence du groupe – l’intensité écrasante de la voix d’Oliveros imprègne chaque mot d’un drame métaphysique.  

IRÉ semble plus abouti que les précédents albums; la voix d’Oliveros est colossale, entourée d’harmonies fantomatiques et tourbillonnantes. Dans une interview pour leur précédent album, le groupe a parlé d’apprendre à utiliser le studio comme un instrument, et vous pouvez entendre cette approche continuer à se glisser dans l’écriture des chansons sur le dernier projet.  Le groupe a même parfois semblé hésiter à enregistrer en studio ce qui ne peut être recréé sur scène, mais il surmonte peu à peu cette hésitation. Que ce soit le multi-tracking subtil de la voix d’Oliveros sur « Oya » ou le flash des synthés modulaires de Prince of Queens sur « La Perla ». C’est dans les moments où Combo Chimbita se permet d’expérimenter – lorsque la voix électroniquement atténuée de Prince of Queens tonne à la fin de « Memoria », ou lorsque le cri d’Oliveros se transforme en un contrepoint douloureux dans le refrain frénétique de « Mujer Jaguar ». 

Il faut aussi savoir que Combo Chimbita est motivé par un sentiment accru d’urgence sociopolitique. Sur IRÉ, le groupe revendique l’inspiration des manifestations Black Lives Matter de 2020. Mais aussi la spiritualité et les contes afro-indigènes et l’étude personnelle d’Oliveros sur le bullerengue, une tradition de tambour colombien. Dans leurs clips pour l’album, ils ont ramené des artistes de la communauté queer et trans de la diaspora afro-caribéenne. Ces gestes en faveur d’un avenir afro-indigène et d’autres influences afro-diasporiques s’entend comme avec le dub sur « Indiferencia », tandis que le titre « Memoria » qu’on vient d’écouter est construit autour d’une boucle poussiéreuse qui sonne comme un hommage au hip-hop boom-bap de New York. 

 IRÉ l’album de Combo Chimbita et étroitement lié à l’actualité politique de la Colombie.  L’intensité rythmique de l’album qui prend forme au milieu du projet fait écho aux derniers événements politiques qui ont secoué le pays. Les tournages de clips pour les singles “Mujer Jaguar” et “Todos Santos” ont été décalés pour soutenir un des plus grands soulèvements populaires de l’histoire du pays qui, malgré un gouvernement répressif, voit une nouvelle génération de Colombiens continuer leur lutte contre la corruption et la violence.

Pour mieux décrire la fonction première de leur album IRÉ : guérir et construire un monde nouveau grâce au pouvoir de la musique. Comme le jaguar avant lui, Combo Chimbita continue d’avancer, à pas feutrés, résistant et rugissant.