Pour des raisons historiques et culturelles, les troubles et maladies psychiques sont encore l’objet de nombreuses idées reçues. Et les personnes qui en sont atteintes subissent les conséquences de ces préjugés négatifs : elles ont tendance à dissimuler voire nier leurs troubles et se rendent invisibles… Retour sur ce phénomène, ses conséquences et les moyens de réintégrer pleinement les personnes en situation de handicap psychique avec le Groupe d’entraide mutuel de Quimper et l’Unafam du Finistère.

Le blog du Groupe d’entraide mutuelle – l’Envol de Quimper et sa page Facebook

L’antenne Finistère sur le site de l’Unafam

Réécoutez l'interview d'Orphée Recoing et Pascal Durand

L’histoire de la psychiatrie française est marquée par une mise à l’écart des malades – les « fous – enfermés dans des asiles (parfois abusivement) pour ne plus jamais ressortir. Cette politique asilaire, associée à certaines dérives de la psychanalyse qui stigmatisaient parfois l’entourage (les mères accusées de provoquer l’autisme de leurs enfants) des malades psychiques a contribué aux fantasmes et aux peurs qui entourent la maladie psychique en général. Dans d’autres pays (nord de l’Europe, États-Unis) il en va tout autrement et les personnes atteintes sont bien mieux intégrées à la société.

Des maladies qui font encore peur…

En France, les proches comme les malades sont donc encore en butte aux peurs. L’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques) a récemment publié un baromètre  réalisé auprès de ses adhérentes et adhérents et 60 % des personnes interrogées estimaient que la maladie de leur proche est représentée de façon stigmatisante et anxiogène dans les médias Pour beaucoup, il reste difficile d’aborder ce sujet et d’en parler librement : seulement 44 % déclarent pouvoir l’évoquer facilement. Pour 40 % d’entre eux, leur entourage a réagi avec peur et prise de distance à l’annonce de la maladie.

…et qui poussent les malades à s’ignorer ou se cacher

Et c’est un cercle vicieux qui pousse à éviter de consulter un spécialiste et donc de se soigner, et même quand le diagnostic est posé, il entraîne souvent un perte d’estime de soi et un isolement social.Orphée Recoing qui lui a choisi d’afficher sa maladie au grand jour en devenant président du Groupe d’entraide mutuel de Quimper confie que la plupart des membres du Gem ne souhaitent pas qu’on évoque leur maladie. Récemment, il a encore rencontré une personne qui avait été licenciée pour cette raison. Un médecin même a tenté de dissuader le fils de Pascal Durand de reprendre ses études après l’annonce de sa schizophrénie. Il n’en a pas tenu compte et a finalement pu obtenir son diplôme et trouver du travail.

Des diagnostics plus précis et des traitements très efficaces

Car c’est un fait, on traite de mieux en mieux les maladies psychiques, et en reconnaissant le handicap et en aménageant le poste de travail ou le milieu de vie de la personne concernée, on peut lui permettre de vivre « normalement ». On tiendra compte d’un besoin de récupération plus grand, d’une moindre résistance au stress mais la maladie psychique n’exclut ni les compétences ni la motivation. Quant à la dangerosité supposée (notamment des personnes atteintes de schizophrénie) elle est totalement hors de propos. Les homicides directement liés à la schizophrénie sont extrêmement minoritaires (moins de 1%). En revanche, les personnes atteintes sont bien plus souvent victimes de crimes (parce qu’elles sont vulnérables) ou de violences contre elles-mêmes (13 fois plus de suicides que dans la population moyenne).

Tout le monde ou presque peut être concerné

Bien d’autres idées reçues doivent être battues en brèche : les addictions sont bien des maladies, qui modifient le cerveau des personnes touchées et qui potentiellement peuvent atteindre toute la population ou presque puisqu’elles relèvent d’abord du comportement (un abus de substance ou d’action comme le jeu) et se transforment peu à peu en trouble physiologique (dépendance). 87% des adultes boivent de l’alcool en France et pourraient donc potentiellement devenir alcooliques. L’alcoolisme est bel et bien une maladie psychique. Il en existe bien d’autres, des troubles du comportement alimentaire aux dépressions qui, elles aussi, sont souvent stigmatisées ou incomprises. Une dépression est une véritable maladie, il ne s’agit en rien d’un « laisser aller » ou d’une flemme passagère. Même un événement heureux peut entraîner une dépression grave, comme l’accouchement dans le cas de la dépression post-partum. Nier ce caractère pathologique c’est prendre le risque de traiter trop tard le problème et d’aggraver la maladie.

Favoriser les rencontres pour dédramatiser

Finalement, pour dédramatiser et mettre fin à cette stigmatisation de la maladie psychique, le plus efficace est encore de permettre aux personnes « normales » d’écouter et d’échanger avec des personnes en situation de maladie psychiques (et qui se reconnaissent comme telles). L’Unafam va donc lancer une « bibliothèque vivante » en organisant ce type de rencontres dans des médiathèques. Par ailleurs des « Madprides » (marches des fiertés de personnes malades psychiques et leurs proches) auront lieu également cette année dans le Finistère.