Les réserves naturelles, en Bretagne comme ailleurs, sont protectrices des milieux sauvages, mais elles sont bel et bien le fait d’êtres humains qui doivent donc composer avec les autres vivants et entre eux. D’une réserve à l’autre, la gestion peut être très différente. L’anthropologue Lorena Cisneros-Armas en suit de près quatre à Glomel, l’île de Groix, Sougéal et Séné.
Le projet de thèse de Lorena Cisneros-Armas
Photo de couverture : L’ouverture au pacage dans la réserve naturelle régionale du marais de Sougéal (Ille-et-Vilaine) en 2022 – crédit Lorena Cisneros Armas
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La Bretagne compte sept réserves naturelles nationales et neuf réserves naturelles régionales. Les réserves naturelles sont des zones de protection forte des milieux sauvages, flores, faunes ou minéraux, dans lesquelles les activités humaines sont très réglementées. Il n’y a pas d’habitation, certains accès sont interdits. L’idée est bien de préserver au mieux l’état écologique présent de ces zones plus ou moins vastes (parfois moins d’un kilomètres carré, comme le sillon de Talbert).
La particularité de ces réserves c’est leur gestion locale et c’est là que le regard de l’anthropologue est intéressant. Les sciences humaines nous éclairent en effet sur les choix :de ce qui doit être ou non protégé localement, de ce qui fait patrimoine ou pas, des moyens qu’on utilise pour sauvegarder les espèces rares (au détriment d’autres parfois).
Quatre réserves naturelles, quatre ambiances
La thèse de Lorena Cisneros Armas a pour titre « Composer avec les outils de protection de la nature : Les relations entre habitants et réserves naturelles en Bretagne ». Elle est supervisée par Frédérique Chlous (UMR Paloc « Patrimoines locaux, environnement et globalisation » du Muséum national d’Histoire naturelle) et Alix Levain (UMR Amure – UBO, CNRS, Ifremer). La recherche est aussi soutenue par l’attribution d’une subvention de recherche du Ministère de la Transition Écologique et de la Région Bretagne.
Depuis 2021, Lorena suit quatre réserves très différentes : celle de Glomel (centre Bretagne, Côtes d’Armor), celle des marais de Sougéal (Ille-et-Vilaine), celles des marais de Séné et de l’île de Groix (Morbihan).
Les objets de ces réserves sont différents : un milieu pauvre de lande et une flore et faune très spécifiques dans la réserve naturelle régionale des landes et marais de Glomel, des marais, des prairies humides qui sont pâturées depuis le Moyen Age dans la réserve naturelle régionale du marais de Sougéal, des vasières, prés-salés, étiers, et surtout les plus grands marais de Bretagne dans la réserve nationale de Séné, et des roches et minéraux remarquables ainsi que des colonies d’oiseaux marins nicheurs dans la réserve naturelle nationale François Le Bail de l’île de Groix.
Comprendre en profondeur les interactions entre humains et avec les milieux sauvages
Les modes de gestions, les actrices et acteurs impliqués varient donc aussi d’une réserve à l’autre (et même selon les zones de la réserve), leurs relations aussi, les pratiques locales, les enjeux. Dans le cas de Glomel, on s’interroge par exemple sur la construction proche de la voie express N164 et son impact, sans oublier l’agriculture intensive. À Séné, la chasse est toujours pratiquée sous conditions, l’accès à une partie du marais est payant. À Groix, l’accès est moins limité puisque ce sont surtout les minéraux qui sont protégés. À Sougéal, le ragondin est piégé intensément car il prolifère et est considéré comme destructeur du milieu (en détruisant les berges, il gêne la circulation de l’eau dans la zone).
Le travail de l’anthropologue conduit les humains qui oeuvrent dans ces réserves à s’interroger sur ces pratiques et peut, incidemment, apaiser des conflits locaux.