Les épisodes de sécheresse qui ont touché la Bretagne semblent enfin faire évoluer le regard des autorités sur la politique de l’eau, même s’il reste encore beaucoup de progrès à faire, notamment en matières de nitrates. Le point avec le directeur d’Eau et rivières de Bretagne, Arnaud Clugery.
Réécoutez l'interview d'Arnaud Clugery
Les progrès sont lents, mais il semble que l’épisode de sécheresse de l’été 2023, qui a touché même le Finistère, réveille enfin la perception qu’on a de l’eau en Bretagne. Il n’est plus seulement question de qualité mais aussi de quantité. En réalité, les deux sont liées. Quand la quantité d’eau disponible diminue, on se préoccupe davantage de l’eau qui reste accessible…
La Bretagne reste vulnérable aux pollutions aux nitrates
En matière de nitrates, les programmes de lutte contre les pollutions de l’eau en Bretagne se sont multipliés ces dernières années. Le seuil fixé par l’Union européenne de 18 mg de nitrates par litre dans les rivières est encore loin d’être atteint dans la plupart des cours d’eau de la région, malgré 6 plans de lutte depuis 1991. Sur le terrain, depuis les années 1980, on a préféré fermer des captages d’eau potable quand les taux de nitrate étaient trop élevés plutôt que de lutter contre l’origine – bien identifiée – du trop plein d’azote : l’agriculture industrielle pour 90% et des problèmes d’assainissement urbain pour le reste.
Les taux de nitrates restent encore trop hauts dans les rivières bretonnes mais les représentants de l’agriculture industrielle estiment avoir fait suffisamment d’efforts et subir trop de contraintes. Résultat, la quantité d’azote dans les rivières bretonnes ne baisse plus. Eau et rivières de Bretagne et les autres associations de défense de l’environnement demandent des progrès supplémentaires. Le public sera consulté par le préfet de Région en septembre et pourra se prononcer sur la question.
Du point de vue d’Eau et rivières de Bretagne, lutter contre les fuites de nitrates ne suffit pas, c’est bien le système agricole qu’il faut changer. D’abord, privilégier le système herbager : élevages porcins et avicoles dont les déjections sont épandues sur les terres mais dont les animaux consomment maïs ou soja génèrent ce surplus alors que les élevages bovins (ou ovins) supposent des prairies qui elles absorbent l’azote et limitent le lessivage des sols par les pluies en direction des rivières. Il faut donc diversifier les productions, produire moins et mieux en accompagnant les agriculteurs pour éviter la casse sociale.
Liées aux nitrates, les algues vertes sont elles aussi toujours présentes non seulement sur les plages mais aussi au fond des baies, notamment dans les vasières. Malgré 3 programmes de lutte, les algues échouées sont plus nombreuses dans ces vasières (elles baissent sur les plages) : le nouveau programme d’action en tient compte, non sans polémiques et débats en vue avec l’agro-industrie…
La sécheresse 2023 et ses impacts en Bretagne
Du côté des autorités, on constate que les réseaux d’eau potable qui relient les territoires entre eux pour sécuriser l’approvisionnement en eau trouvent leurs limites quand la ressource elle-même se fait rare. On a beau être interconnecté, quand l’eau manque, on ne peut plus fournir. On se tourne alors vers des captages, toujours fermés pour cause de qualité défaillante… et c’est alors qu’on se rend compte que rouvrir le captage suppose de favoriser autour de ce captage des pratiques agricoles vertueuses.
Pour nous aider à mesurer à quel point l’eau est précieuse, qu’elle sorte de notre robinet ou coule dans les rivières, Eau et rivières de Bretagne poursuit, avec la Région, son projet de réalisation d’atlas culturels de quatre rivières bretonnes, dont le Lapic, petit fleuve côtier de Plonévez-Porzay.
Pour en savoir plus sur la qualité de l’eau
L’eau potable fera l’objet d’un numéro spécial du magazine d’Eau et rivières de Bretagne en juin 2023.
Silence dans les champs de Nicolas Legendre publié aux éditions Arthaud