La géographie est géologique et physique, humaine, végétale et… animale. Aujourd’hui, Antoine Lauginie nous emmène « partir voir les bêtes », domestiques et sauvages, en compagnie de Norge, Jean-Loup Trassard, Anne-Sophie Subila, Franck Bouysse, Aurélie Olivier, Marie-Hélène Lafon et Claudie Hunzinger.
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Par Antoine Lauginie
Partir voir les bêtes, par les prés et par les bois, entre monde domestique et monde sauvage, dans la proximité familière des animaux d’élevage ou dans l’appel du sauvage.
Partir voir les bêtes, par les prés ou par les bois, pour la compagnie des troupeaux ou la fascination pour la sauvagine, cette part sauvage que l’on devine dans les replis de notre monde aménagé, quadrillé, repéré…
Par les prés… dans la compagnie des vaches
Peu connu, le poète belge Norge a su traduire dans son poème « Les souffles » le lien étroit qui nous lie aux animaux, ne serait-ce que par l’air commun que nous respirons. Ils aspirent la terre et nous la restituent par leur souffle… Dans « Brouter », il capte la lente et paisible présence des vaches qui semblent loin du temps.
Dans Paroles de laine, Jean-Loup Trassard raconte son enfance paysanne et ces moments où il se cachait de l’école et se réfugiait dans l’étable ; il nous décrit un lien très sensuel avec les vaches : « Elles me couvraient du foin qu’elles tiraient au-dessus de moi. Je les voyais hautes et chaudes, blanches sous le mufle et le cou, et la lumière soufflée. Je restai encore un instant dans l’étable totalement obscure, livré à la rumination des vaches, à leur lente respiration, puis je me dirigeai laissant traîner mes mains sur les pelages, vers la nuit qui paraissait claire au rectangle de la porte. «
C’est le livre plus récent d’Anne-Sophie Subilia – Parti voir les bêtes – qui a inspiré le titre de cette émission. L’écrivaine y exprime ce besoin de toujours retrouver les troupeaux, dehors, dans les prés. Quand les beaux jours reviennent, les vaches sont là et nous annoncent elles aussi le printemps. Le héros souffre de « solastalgie » face à son pays d’enfance bouleversé par un chantier routier. Il se ressource en partant marcher dans la campagne à la rencontre des troupeaux.
La solitude de l’éleveur, pour qui les animaux sont la seule famille ou presque, est particulièrement criante dans le poème « Virgile » de Franck Bouysse qui évoque la fin d’un élevage quand vient l’heure de la retraite du fermier.
Enfin, comment ne pas évoquer la perte du lien avec l’animal, fut-il domestique, dans les élevages industriels. Aurélie Olivier jeune femme, fille d’éleveurs costarmoricains, a quitté le milieu agricole et exprime abruptement dans un poème de son recueil Mon corps de ferme l’autre face de l’élevage, l’animal devenu machine à produire.
Par les bois… visiter la part du sauvage
Après les animaux domestiques, nous allons observer les animaux sauvages, qui nous inspirent encore fascination et puissance d’enchantement :
C’est en tout cas ce que traduit Marie-Hélène Lafon dans Le pays d’en haut où elle fait référence à la sauvagine, cette vie sauvage tapie dans les plis de nos vies domestiques, dans l’envers de notre monde et de ses bêtes familières.
Et on termine cette fois encore avec l’écrivaine Claudie Hunzinger installée dans les Hautes Vosges et qui s’adonne à l’observation des animaux sauvages dans Les grands cerfs. Deux extraits : l’un pour dire le désir d’aller voir les bêtes, d’approcher le sauvage, dans lequel l’écrivaine devient un cerf en suivant les traces de l’un d’entre eux, et l’autre extrait pour déplorer, s’effrayer même, de la disparition du sauvage, notamment par une litanie d’insectes que l’héroïne ne croise plus.
Musique : Piers Faccini – Oiseau
Bibliographie :
- Le Stupéfait, recueil de poèmes de Norge
- Paroles de laine, Jean-Loup Trassard
- Parti voir les bêtes Anne-Sophie Subilia
- Fenêtre sur terre, recueil de poèmes de Franck Bouysse
- Mon corps de ferme, recueil de poèmes d’Aurélie Olivier
- Le pays d’en haut, Marie-Hélène Lafon
- Les grands cerfs, Claudie Hunzinger