Photo de couverture : L’examen des photos aériennes prises par drones permet de repérer les traces des bâtiments antiques. Crédits : Ronan BOURGAUT et Ronan LOUESSARD, Centre départemental de l’Archéologie du Finistère
La villa gallo-romaine de Saint-Frégant est un site archéologique exceptionnel par son ampleur ; la reprise des fouilles va permettre aux archéologues de mieux comprendre le rôle économique de ce type d’implantations antiques, composées de très nombreux bâtiments et stratégiquement situées.
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La villa gallo-romaine de Keradennec sur le site internet de la commune de Saint-Frégant
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Même si le site de 4 hectares a fait l’objet d’une première campagne de fouilles archéologiques de 1968 à 1974 sous la direction de René Sanquer et Patrick Galliou, il reste encore beaucoup à apprendre sur la villa de Keradennec. Ronan Bourgaut, directeur du Centre départemental d’archéologie et coordonnateur des nouvelles études scientifiques a remis son rapport sur les prospections menées en 2021 : vues aériennes, prospections pédestres et géophysiques. Elles ont permis d’orienter les prochains sondages (par tranchées) qui seront menés dès le printemps.
Un véritable palais et un centre économique stratégiquement placé
Située le long d’une voie reliant la ville antique de Vorgium (Carhaix) puis Vorganium (vers Plounéventer) à la côte (Aber Vrac’h), la villa était sans doute aussi sur le passage d’autre voies secondaires. Une borne milliaire romaine a d’ailleurs été retrouvée à Kerscao près de Keradennec. On peut tout à faire imaginer qu’une partie des productions de la villa transitaient par la route, puis par voie maritime (même si on n’a pas de vestige d’activité maritime gallo-romaine à cet endroit). Il y avait peut-être d’autres agglomérations proches de la villa. Le paysage rural à l’époque romaine est ainsi parsemé de ces implantations qui servent aussi de « tête de pont » culturelle pour diffuser la romanité.
Et sur ce plan, la villa de Keradennec apparait comme un véritable palais romain. La première villa, créée au 1er siècle ap. J.-C., était assez modeste, mais à son apogée au IIe siècle, c’était un complexe énorme de 4 bâtiments cernant une cour intérieure carrée bordée d’une galerie, de 40 mètres de côté, soit 1600 mètres carrés ! Au moins une aile thermale (voire davantage) – équipement de prestige – avec des parois très richement décorées de fresques figurant surtout des végétaux, un bâtiment d’apparat chauffé par le sol, un bâtiment qui aurait pu faire office de cuisines, et un aile sud particulièrement gigantesque, plus large que les autres (elle mesurerait 90 m de long en façade extérieure) avec présomption d’étages, de tourelles … Voilà pour la pars urbana, résidence privée du maitre qui apparait donc déjà sur-dimensionnée.
Un centre de production économique et culturelle
Mais une villa antique comportait aussi une pars rustica avec les bâtiments agricoles, résidences des ouvriers, et une pars fructuaria pour le stockage des récoles…autrement dit toute l’activité économique qui se rattachait à la villa. Des scories métalliques retrouvées en prospection terrestre laissent penser qu’il y avait des forges. De multiples traces de bâtiments de toutes tailles ont été repérées sur les 4 hectares mais les archéologues sont encore loin de connaître leurs fonctions. Ils auront donc de quoi s’occuper lors des fouilles de terrain à venir.
On peut dire que la villa gallo-romaine de Keradennec à Saint-Frégant est un modèle. En dehors des cités, les « villas » étaient bel et bien les centres économiques de l’empire romain. Aux villes les marchés et négociations commerciales, aux villas la production, essentiellement agricole (mais sur d’autres sites également artisanales voire « industrielles »). Il serait intéressant aussi d’en apprendre davantage sur l’environnement économique de cette villa, en découvrant d’éventuels fournisseurs/clients de cette villa. Ninog Jaouen, archéologue en thèse à l’université de Rennes 2 et également basée au Centre départemental de l’archéologie du Finistère, mène actuellement des recherches sur un possible site romain de production de poteries à Kernilis, non loin de Keradennec.
Le site, extrêmement fragile, n’est pas accessible au public. Mais il le sera à l’issue des études, dont nous reparlerons sur Radio Évasion.